Les volcans disposent d’une aura mystérieuse qui nous pousse vers leurs sommets pour être au plus près du danger. Ils se dressent, hauts et fiers, et offrent des treks exceptionnels. Eva Emmanuelidis est ainsi partie en Indonésie, pour affronter le Mont Bromo et le Kawah Ijen, les emblématiques géants de Java.
Trois heures et minuit.
Ce sont les heures auxquelles il faut se lever pour vivre l’incroyable dans les volcans indonésiens du Mont Bromo et du Kawah Ijen. Ayant comme point commun leur situation extrême orientale sur l’île de Java, ces volcans restent relativement préservés du tourisme de masse. Depuis Yogyakarta, il faut compter un jour de route en bemo jusqu’au Mont Bromo, puis une autre demi journée pour rejoindre l’Ijen.
Au Mont Bromo, nous arrivons tard dans la soirée, épuisés par la route et impatients de rejoindre le motel pour dormir quelques heures. Nous nous levons un peu avant trois heures, enfilons des vêtements chauds et des chaussures de trail. La dépression du Tengger regroupe trois cratères actifs : le Bromo, le Tengger et le Semeru, qui domine Java à 3676 mètres d’altitude.
Nous choisissons plutôt de partir à pied du petit village au bord de la caldeira regroupant les hôtels, et de monter jusqu’au King Kong Hill, un point de vue uniquement accessible par un chemin. De là, nous réchauffant d’un café au lait acheté à une vendeuse ambulante, nous observons le lever de soleil : ses rayons frappent la cime du Batok, puis les crêtes du Brom et finissent par couler jusqu’à leurs pieds, mettant en valeur leur incroyable relief, chacun de leurs sillons.
A 7h, descendus au bord de la caldeira, nous traversons à l’aide de deux moto la mer de sable désertique. Arrivés à une centaine de mètres du géant, nous finissons à la marche, croisant les cavaliers qui proposent d’acheminer les touristes au pied de l’escalier pour pénétrer dans le volcan. Nous grimpons la volée de marches. Le point de vue est incroyable : d’un côté sur le cratère fumant, marqué de jaune de soufre, et de l’autre, le temple logé dans la caldeira. Nous reprenons les motos, allons faire nos sacs et commençons notre journée avec un copieux petit déjeuner.
Six heures s’enchainent dans le bemo : plateaux verdoyants, rizières, champs de cocotiers et enfin plantations de café. Le long des routes sinueuses, des ouvriers agricoles attendent les camions qui vont les faire sortir des exploitations. Aux entrées et sorties, ils sont arrêtés à des check points et des officiers les fouillent à la recherche de grains de café. Le prochain motel se situe dans une de ces plantations. Levés à minuit, nous commençons l’ascension du Kawah Ijen pour pouvoir observer les flammes bleues au fond de son cratère. Nous entamons la descente, à la frontale, sur un chemin étroit, pentu, glissant. À mi chemin, les vapeurs de soufre nous ralentissent. Alors que les masques ne suffisent plus à nous empêcher de pleurer, nous arrivons près des flammes.
La perte de repères causée par les nuées chaudes âcres du volcan et l’obscurité les rendent particulièrement étranges. Elles ressemblent plus à de la lave en fusion couleur indigo que réellement à des flammes. Le nuage tourne alors brutalement, nous obligeant à nous coucher au sol pendant une vingtaine de minutes. Le retour est particulièrement difficile, le nuage stagne autour de nous et nos yeux n’en finissent plus de pleurer. À la sortie du cratère, il fait encore nuit noire et des porteurs de soufre se regroupent autour d’un feu pour se réchauffer.
Dans le calme soulageant de cette obscurité, nous attendons l’aube. Peu à peu, les contours des arbres, pour la plupart morts, se dessinent sur la crête du cratère; le manteau de la nuit se dissipe; les couleurs se révèlent dans le jour naissant. Le lac acide, les flancs du volcans apparaissent, laissant entrevoir des contrastes surréalistes.
Enfin, les premiers rayons de soleil franchissent le faîte du volcan, venant frapper les flancs aux roches ocres, dessinant leurs reflets dans le lac acide bleu bondi. L’arrête du cratère franchie, le retour se déroule paisiblement. À mi distance, nous faisons une halte café au lait dans une cabane. Des mineurs m’indiquent l’arrière cuisine: les bouilloires y chauffent l’eau sur un feu de bois et les travailleurs de passage posent devant l’objectif.
Arrivés au bemo, notre guide a fini de nous raconter son histoire. La nuit, il mène les touristes jusqu’aux flammes bleues. Le jour, comme son père, il remonte le soufre des parois de l’Ijen. Toute une vie à l’ombre des volcans d’Indonésie.
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