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Un soir d’octobre, dans un bar de Pornic, leur ville natale, Pierre, Max et Big ont décidé de partir à vélo. L’idée ? Repousser ses limites et se reconnecter avec la nature sous sa forme la plus pure. L’occasion aussi de partager une expérience entre amis d’enfance et de se créer de nouveaux souvenirs ensemble. Le rendez-vous est pris au printemps pour traverser sept départements français par les petites routes et pistes non goudronnées. Le tout sans GPS, bien évidemment.
Car on ne le dira jamais assez : pas besoin d’aller loin pour connaître le frisson de l’aventure ! C’est pourquoi on vous a préparé un guide complet avec 52 idées de micro-aventures en France, à télécharger gratuitement.
Les mois passent et on ne réalise pas bien ce qui est sur le point de se réaliser. Jusqu’au moment de charger les vélos sur la voiture d’Antoine, qui nous mènera au pied du château de Beynac et Cazenac, en Dordogne, notre point de départ. Le lendemain matin, à 7 heures, il nous faut près d’une heure trente pour démonter le campement et packer les vélos. Il va falloir faire mieux à l’avenir. Les premiers coups de pédales sont instables. Max traine bien 40 kilos, et moi 30. Big lui, sans sacoche à l’avant, est léger comme une plume.
Les paysages qui s’offrent à nous nous dépaysent dans l’instant où nous les contemplons. À cette période, longer la Dordogne nous offre un spectacle de biodiversité réconfortant. Les moineaux chantent et dansent à flanc de paroi. Loin de l’affluence touristique des mois d’été, nous traversons les villages dans le calme le plus total.
Les premiers jours sont marqués par des après-midis chauds, des bières fraîches, des nuits froides et des tentes humides, en raison des cours d’eau voisin. Max est même contraint d’essorer son duvet à plusieurs occasions, ce qui met son mental à rude épreuve. On traverse du Nord au Sud le Parc Naturel Régional des Causses du Quercy. Des kilomètres sans voir la couleur du goudron. Les pistes à moitié balisées que nous obligent à sortir cartes et boussoles, nos seules alliées avec le soleil : nous avons décidé de prohiber les GPS modernes à quelques jours du départ.
On met le Cap vers l’Aubrac, plus à l’Est, pour faire face à notre première difficulté, entre Saint Côme d’Olt, dans l’Aveyron, à Nasbinals, en Lozère, à l’aube du cinquième jour. La météo s’annonce médiocre, alors on se prépare comme on peut pour affronter la pluie et protéger notre équipement de l’eau. Ce matin-là, les tentes sont sèches pour la première fois ! Un bref répit… Il est 8 heures, on avale un café, un bout de brioche et un carré de chocolat. À peine en selle, une pluie battante s’abat sur nous. Elle ne nous lâchera plus.
Dès les premiers kilomètres, l’eau s’infiltre partout. La pente est raide, on ne fait qu’une courte pause pour ne pas se refroidir. J’imagine les discussions des passagers dans les voitures que nous croisons, entre une louche d’incompréhension, une cuillerée de compassion et… une pincée d’admiration ? Qui sait
Après 16 km de montée intense, on parvient au plateau, où les faux plats sont comme des descentes. Ici, le paysage est sombre et rude. Les murs de pierres sont les seuls obstacles aux plaines arides, arrosées d’eau pour l’occasion, leur procurant des allures d’Ecosse. Malgré la souffrance, je regarde Big, le sourire se lit sur son visage, on prend un plaisir fou dans cet endroit. Peu avant Aubrac, Max sature et a besoin d’une pause. Les vivres sont dans mes sacoches. Un peu d’eau chaude lui fera du bien. On laisse Big nous attendre au village. On est exposés au vent violent et la pluie ne cesse pas, alors on boit ce qu’il reste dans le thermos, mais il ne faut pas s’attarder ici
L’arrivée à Aubrac, après 22 kilomètres de montée, restera gravée dans nos esprits. Frigorifiés, les chaussures spongieuses, mains et mâchoires engourdies, on pousse la porte d’un des deux cafés du village où sont réunis le peu de pèlerins du GR de Saint Jacques de Compostelle, bien courageux de marcher aujourd’hui et se comptant sur les doigts d’une main. L’intérieur est un vrai trésor. Sur un air d’Edith Piaf, sont regroupées toutes les décorations que Virginie et son mari, les propriétaires, ont amassé sur des années. Ce décor authentique, chaleureux quoiqu’un peu mystique, abrite au fond de la pièce un vieux poêle à bois sur lequel on se précipite. Un thé, deux rhums chauds et une soupe à l’oignon digne de la meilleure des mamies plus tard, on est secs, et prêts à en finir avec ces 8 km qui nous séparent de Nasbinals et du gîte que l’on a réservé pour la nuit.
Une fois les lieux investis, une douche chaude nous fait le plus grand bien après 5 jours d’aventure. Au soir, on s’autorise un restaurant. Une bonne pièce de viande locale accompagnée de l’Aligot, met typique de l’Aubrac, nous font jouir de bonheur. Autour de la table, c’est l’occasion de se remémorer les souvenir passés, de parler de nos vies et de ce que l’on aspire à être. C’est pour ce genre de moment qu’on a signé, se retrouver entre potes, parler de tout et de rien, autour d’un bon repas. En route pour le gite, on s’est arrêtés au bar du coin, où le patron arbore fièrement aux murs des photos de Zidane qu’il accueille régulièrement. Autant vous dire qu’on avait de quoi papoter ! La soirée sera plus longue que prévue…
Au matin, les yeux s’ouvrent difficilement. On prend quand même la décision de décoller, malgré la pluie, en début d’après-midi, pour s’épargner une journée trop longue le lendemain. On passe le col de Bonnecombe, à 1350 mètres d’altitude, le point le plus haut du périple. Puis Big nous propose de mettre cap plein Sud, pour essayer de récupérer un peu de chaleur perdue. On acquiesce sans trop se poser de question. Les organismes commencent à souffrir en fin de première semaine, Max craint que son talon ne lâche, quant à moi, une tendinite au genou fait son apparition. Mais on fait avec, et on les oublie tout en descendant les Gorges du Tarn, grandioses comme on les avait imaginées, mais désertes en mai, à notre plus grande surprise.
À la Roc Sainte Marguerite, 13 kilomètres à l’Est de Millau, le village est fantôme. Affamés après toute une journée sans rien dans le ventre, à se dire qu’on trouvera bien quelque chose à se mettre sous la dent au prochain patelin, on a vite déchanté. Le peu de locaux que l’on croise nous indique Millau comme prochain point pour trouver une alimentation, mais on n’a pas les jambes ce soir-là. Max jette sa canne à l’eau en espérant sortir une truite pour le diner mais elle ne se laissera pas piéger. Big s’éclipse dans l’une des quatre rues du village et revient 10 minutes plus tard avec de la charcuterie locale, du jambonneau et un sachet de pâtes, confiés par une habitante du village contre quelques pièces de monnaie. La solidarité et l’entraide existent encore !
On rejoint ensuite les Cévennes, et la petite commune de Dourbies, à l’extrême sud-ouest du parc, où nous faisons étape avant d’attaquer l’ascension du col de l’homme mort, qui nous laisse plein d’appréhension. On échange avec les clients d’un café, qui, sans filtre, nous indique qu’on va en chier : « Pour monter ça va, après t’as plus de route sur quinze bornes de descente, mais en VTT ça passe. » Après l’épisode pluvieux de l’Aubrac, rien ne peut être pire et y renoncer ne nous effleure pas l’esprit. La route qui mène au col est splendide, puis les forêts alpines nous plongent dans une atmosphère que j’ai plaisir à retrouver. Avant d’attaquer la descente, on s’assure que le matos est solidement attaché.
Le panorama nous laisse sans mot, on n’a pas croisé une voiture depuis ce matin, on se rend compte de la chance qu’on a d’être ici entre potes. Un sentiment de liberté assez intense s’empare de nous. La piste bien accidentée réclame toute notre vigilance, mais comme de grands enfants les gars cherchent à aller toujours plus vite. 15 kilomètres plus tard, on retrouve le goudron. Max y aura laissé ses deux sacoches arrière qu’on rafistole au chatterton, en priant que ça aille au bout du voyage. On continue pour finalement s’enfoncer passer la nuit dans le cirque de Navacelles, bercé par le doux grondement de la cascade, après 80 kilomètres, notre plus grosse journée de vélo.
Au réveil, un bain dans l’eau glaciale des piscines naturelles nous vivifie. Puis, les quatre kilomètres jusqu’en haut du Cirque se font sur une pente à 12%, à la vitesse d’un piéton. Il est 12H00, on est malin. Les gouttes de sueur suintent de nos fronts brûlants, les cœurs s’accélèrent, les articulations sifflent et les vélos semblent
peser trois fois leur poids. Certaines portions nous obligent à ne pas poser un pied à terre sous peine de ne pas repartir.
Vingt-quatre heures et 100 Kilomètres plus loin, dans le Parc du Haut-Languedoc on passe le col d’Espinouse, à 1119 mètres d’altitude, dans la douleur, mais avec la sérénité du dernier jour de montagne. Le col de Frontfroide, scelle notre périple montagneux. On se prend dans les bras et on pète une bière pour fêter tout ça, heureux de prendre conscience de ce qu’on vient de réaliser ensemble.
16 jours, 800 kilomètres, 11 000 mètres de dénivelé positif, et déjà de nouveaux projets dans les têtes !
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