Tom Ballard pratique un alpinisme dépouillé, sobre, loin des médias, des sponsors et de la course à l’image. Une passion dévorante qu’il vit simplement pour lui, pour assouvir son insatiable appétit de sommets.
Quand j’ai rencontré Tom Ballard au Festival Aventure et Découverte de Val d’Isère, où il présentait son film « Tom », il m’a tout de suite demandé si l’on pouvait quitter le bâtiment pour faire l’interview à l’extérieur. Rester deux heures dans une salle n’est pas dans les habitudes de ce garçon réservé, peu bavard et solitaire. Très peu connu du grand public et même des initiés, auteur d’incroyables escalades pratiquement toujours restées dans l’ombre, ce jeune grimpeur britannique fait pourtant partie des meilleurs mondiaux en dry tooling et des alpinistes les plus talentueux de sa génération.
« J’ai fait l’Eiger avant de naître » plaisante t’il. « Ma mère a gravi la Face Nord enceinte de 6 mois. » Sa maman, Alison Hargreaves, était une alpiniste de renom dans les années 80. En 1995, elle est emportée par une avalanche sur le K2 alors que Tom n’a que 6 ans. Tom, son papa James et sa petite soeur Kate restent pourtant au contact de la montagne, et le petit garçon, qui rêve de devenir alpiniste, laisse très vite éclater son potentiel. Escalade, dry tooling, alpinisme, il se construit un solide bagage et une vraie polyvalence. À seulement 29 ans, il a déjà une liste de courses et de premières impressionnantes.
Pudique et peu expressif, Tom ne dresse pas de parallèle avec la carrière de sa maman et l’inspiration qu’il aurait pu y puiser. Il concède seulement que l’exploit d’Alison, l’ascension des 6 grandes faces nord des Alpes en solo, dans l’été 1993, lui a donné envie de réitérer la même chose en hivernale et en une seule saison. Tom a relevé le défi, enchaînant la Cima Grande di Lavaredo, le Cervin, les Grandes Jorasses, les Drus, le Piz Badile et l’Eiger, en solo et en un seul hiver. Il raconte cette expérience dans son film éponyme, un court métrage authentique, réalisé avec les moyens du bord, comme une immersion dans son quotidien solitaire.
« Je grimpe principalement seul. J’aime cette sensation, et être seul me permet de prendre mes propres décisions, d’évoluer à mon rythme. Mais j’aime aussi partager quelques sessions avec des amis. En décembre, je vais passer une semaine avec un pote sur des big walls. C’est cool, on sera dans un autre état d’esprit, on sera là-bas pour en profiter plutôt que pour réaliser des objectifs. »
Tom, qui explique n’avoir pas un chemin de carrière tout tracé, me confie simplement saisir des opportunités, grimper un sommet parce que celui ci est en conditions et qu’il perçoit son potentiel. Fidèle à ses valeurs d’un alpinisme passion, il ne participe pas à la course aux exploits : « ouvrir une nouvelle voie est toujours excitant, c’est un défi personnel et une incroyable sensation. Ce qu’il y a autour ne m’intéresse pas. Je ne grimpe pas pour gagner de l’argent ou quoi que ce soit d’autre. »
Tom a établi son camp de base dans les Dolomites, où il vivait il y a encore quelques mois dans un van avec son père. Un terrain de jeu incroyable qu’il exploite à fond : il y a notamment ouvert la voie de dry tooling la plus dure au monde « Line Above the Sky (D15) », un toit de 50 mètres de long. « Le dry, la falaise et l’alpinisme sont des pratiques très complémentaires et j’aime beaucoup pouvoir pratiquer tout ceci au gré des conditions et de mes envies. »
Même si Tom vit au jour le jour, une question me brûle les lèvres : l’Himalaya, et plus précisément le K2, où sa maman a disparu, font ils partie des montagnes qui le font rêver ? « Oui, je pense que j’irais là bas un jour. Cette montagne fait partie de mon histoire. Je ferai le K2, mais je ne sais pas quand. »
En attendant, Tom va d’aventures en aventures, suivant son instinct et les conditions du moment vers les sommets et les parois qui lui offrent des défis à sa mesure.
Photos : Tom Ballard / sauf mention : Ruggero Arena
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