Parmi nos parcs nationaux, celui des Pyrénées est un vrai bijou de nature préservée. Si les cirques de Gavarnie, de Troumouse et d’Estaubé, inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, proposent des circuits bien connus des randonneurs, ces montagnes exceptionnelles offrent d’infinies possibilités d’excursions.
Eva Emmanuelidis, membre active de notre communauté Fresh Air Club — Le club de la nouvelle aventure et spécialiste de la région, a sélectionné six randonnées à la journée au coeur du Parc national des Pyrénées. De quoi s’en faire un premier — mais splendide — aperçu avant de partir sur de plus longs circuits.
Créé en 1967 dans le but de préserver cet espace unique de biosphère et de géologie, le coeur du Parc national des Pyrénées est sillonné par plus de 350 kilomètres de sentiers balisés par la FFRandonnée. Parmi eux, le légendaire GR 10 relie la Méditerranée à l’Atlantique. On y trouve aussi le GR 653, tronçon de l’historique via Tolosana, chemin de Compostelle permettant de franchir la chaîne par le col du Somport.
Le coeur terrestre du parc, longeant la frontière espagnole, s’étend sur 100 kilomètres de long et 10 kilomètres de large entre les hautes vallées d’Aure et d’Aspe. Dominé par le plus haut sommet des Pyrénées françaises, le Pique Longue du Vignemale, il offre des paysages verdoyants, parsemés d’une multitude de lacs et de cascades grâce à l’influence océanique dont il profite.
La limite entre le coeur du parc, inhabité et où s’applique une stricte réglementation, et l’aire d’adhésion (le reste du parc), est balisée par des têtes d’isards rouges sur fond blanc peintes sur le terrain. Espèce emblématique du patrimoine naturel pyrénéen, la sauvegarde du caprin était un des objectifs du parc dès sa création.
Aux côtés des isards, les espèces emblématiques sont la marmotte, le gypaète barbu, le vautour fauve. Du desman des Pyrénées, des ours bruns ou du Grand tétras, vous pourrez peut-être voir… les crottes ! N’en espérez pas plus, ces animaux sont trop rares et timides… Côté flore, on observe des espèces endémiques comme la ramonde, les iris ou les chardons bleus des Pyrénées, des saxifrages, des gentianes, ou même des edelweiss, les chemins se couvrent de couleurs dès le printemps.
En revanche, lors des estives — période de l’année où les bergers montent leurs animaux en haute montagne — les sentiers croisent régulièrement des troupeaux. Afin de reconnaitre facilement leurs brebis, les éleveurs leur apposent une marque de couleur sur la laine, qui peut prendre la forme d’un aplat entier sur le dos. Pendant vos randonnées dans le parc national des Pyrénées, ne soyez donc pas surpris de tomber sur des troupeaux roses, bleus ou jaunes au détour d’une piste ! Le parc a aussi pour but de préserver la culture pastorale, reflet du mode de vie agricole ancestral de la région. Le pastoralisme fait ainsi partie des rares activités à y être autorisées.
Au niveau du parc, la chaîne des Pyrénées bénéficie d’un climat montagnard dégradé océanique. Les chutes de neiges sont donc souvent abondantes en altitude l’hiver et le printemps, tandis que les étés restent frais et humides. Nous vous conseillons de réaliser ces randonnées dans les Pyrénées de fin mai jusqu’à mi-octobre. En septembre, les précipitations sont souvent peu nombreuses, les orages moins fréquents. En dehors de ces mois, la neige couvre souvent les parties les plus hautes des parcours. Mais quel que soit le mois, pensez à regarder la météo avant de partir et n’hésitez jamais à rebrousser chemin !
Tarbes, Lourdes et Pau sont accessibles depuis Paris en train en 5 heures, en bus de nuit en 12 heures ou en avion — mais vous connaissez notre opinion à ce sujet… — en à peine plus d’une heure. Biarritz peut aussi être un bon point d’accès. Depuis ces villes, un réseau de bus dessert les vallées de départ des randonnées. Vous pouvez également emprunter la petite ligne de train direction Bedous, dont nous vous parlions dans Les Others Volume 10.
Pour randonner à la journée, un équipement classique est suffisant. Avec un sac à dos entre 10 et 30 litres, vous pouvez emporter :
Si le camping sauvage est interdit au coeur du Parc, le bivouac est autorisé sous certaines conditions, entre 19h00 et 9h00 à plus d’une heure de marche d’un accès routier.
De nombreux refuges accueillent les randonneurs et proposent des demi-pensions souvent de très bonne qualité. Ils fournissent tout le matériel nécessaire pour dormir, vous n’aurez besoin que d’affaires de toilette et de vêtements. Les randonneurs équipés pour le bivouac peuvent aussi s’installer autour des refuges et profiter des repas chauds.
Autre option : des cabanes parsèment la chaîne. Bien sûr, le confort y est souvent sommaire et il faut avoir sur soi tout le matériel de bivouac : matelas, sac de couchage, réchaud…
Seule randonnée de la liste se situant dans le Béarn, cette jolie boucle mène jusqu’au refuge d’Ayous. De celui-ci, la vue sur le pic du Midi d’Ossau — il y a deux pics du Midi dans le parc, leur nom venant de leur position très visible quand on regarde vers le sud depuis les plaines — est absolument magique.
Après avoir cheminé dans les bois puis longé de ravissants pâturages bordés de cabanes de berger, le lac Gentau se dévoile. Si les conditions le permettent, le pic du Midi d’Ossau s’y reflète. On serait tenté d’établir une théorie sur l’influence de ce panorama féérique sur la création du Château dans le ciel du grand Miyazaki… Une fois remis de cette vision, le refuge peut vous servir un repas chaud revigorant avant d’attaquer la descente par le lac Casterau, accompagné par une spectaculaire vue sur la vallée de Bious.
Un conseil : faire la randonnée au printemps, quand le refuge vient d’ouvrir. Les fleurs éclosent et les algues des neiges laissent des trainées rouges sur le blanc jusqu’alors immaculé… Tenter d’accéder au pic des Moines (2 349 mètres) pour saluer l’Espagne.
Si affronter la légendaire face nord du Vignemale demande des compétences d’ascension spécifiques, cette randonnée permet de s’approcher au plus prêt du monstre glacé.
La première partie de la marche s’effectue sur un chemin large qui serpente jusqu’au très joli lac de Gaube, dans lequel la Pique Longue commence à se refléter. Quelques kilomètres plus loin, l’arrivée par la vallée qui mène au pied du Vignemale, et qui dévoile la vue sur le glacier, est une des choses les plus spectaculaires que vous verrez… Vous pourrez alors prendre un café ou un repas sur la terrasse du refuge des Oulettes de Gaube en face de ce panorama magique avant d’attaquer la descente par le même chemin.
Un conseil : En 2 jours, rejoindre le refuge de Baysselance par la Hourquette d’Ossoue. Les mieux équipés et entraînés (ou guidés) pourront aussi attaquer le pic du Vignemale en dormant la nuit au refuge des Oulettes — ambiance assurée.
Cette randonnée est un concentré d’histoire du pyrénéisme. Après une montée avec vue sur la vallée d’Ossoue, vous croiserez les grottes de Bellevue, construites par notre cher Henry Russel (voir ci-dessous). Aux deux tiers du parcours, le refuge de Baysselance se dévoile. Édifié en 1899, toujours avec l’aide du créateur de la Société Ramond, c’est le plus ancien des refuges gardés des Pyrénées. Rien que pour son allure, son toit vouté en cuivre et ses murs en pierres, la randonnée mérite le détour.
Pour profiter d’une vue magnifique sur la chaîne et sur les glaciers, elle peut se prolonger jusqu’au Petit Vignemale (3 032 m). La montée est un peu raide mais sans grande difficulté et largement récompensée une fois arrivés au sommet par un panorama incroyable sur toute la chaîne des Pyrénées.
Un conseil : passez la nuit dans le mythique refuge de Baysselance et redescendre le lendemain.
Venir faire des randonnées dans le parc national des Pyrénées, c’est s’adonner à une pratique méconnue : le « pyrénéisme ». Entre deux sentiers, un petit point historique s’impose.
Au XIXe siècle, un petit groupe de passionnés — naturalistes, géodésiens, géologues, écrivains, aventuriers… — se passionnent pour la chaîne. Elles et ils sont à l’origine du « pyrénéisme ». Et nous vous avions déjà prévenu après notre visite au coeur du Cirque de Gavarnie : cela n’a rien à voir avec l’alpinisme !
Si l’alpinisme aborde la montagne d’un point de vue plus sportif et compétitif, le pyrénéisme serait son versant scientifique, sensible et culturel. Il y a 150 ans, ces pionniers partaient donc à la découverte de la chaîne des Pyrénées, jusqu’alors fréquentée essentiellement par les bergers et les habitants des villages d’altitude, pour l’explorer sous l’éclairage inédit des sciences et des arts.
Le comte franco-britannique Henry Russel, un des plus célèbres d’entre eux, avait la montagne et les voyages pour passion. Le 19 août 1964, Russel, ses amis Frossard et Packe, se réunissent à l’hôtel des Voyageurs de Gavarnie et créent la Société Ramond. En fondant une des bases historiques du pyrénéisme, ils entreprennent de mener des études approfondies des Pyrénées.
À l’époque, il n’existait ni matériel et habit technique, ni GPS, ni sentier balisé. Ils vont obtenir un bail de 99 ans du côté du Vignemale, y créer des grottes, inventer les premiers prototypes de sac de couchage, gravir des dizaines de fois des 3 000 mètres, ou encore porter la création de l’observatoire du pic du Midi de Bigorre. Leur but : vivre la montagne, l’observer, retranscrire leurs émotions et leurs connaissances de ce milieu.
Précurseurs dans leur vision de la montagne, ils étaient aussi avant-gardistes dans leurs études, en particulier des glaciers. Leurs écrits, travaux, cartes, croquis et photographies nous permettent notamment de constater un recul de la zone d’équilibre des glaciers, et la perte depuis 1850 de 85 % de leur superficie…
Cette randonnée mythique permet d’accéder à la Brèche de Roland et au pic du Taillon, un des 3 000 mètres les plus faciles d’accès. L’histoire raconte qu’il y a fort fort longtemps, le chevalier Roland tenta de détruire son épée Durandal pour qu’elle ne tombe pas aux mains des Sarrasins qu’il combattait. L’épée résista et la brèche fut créée.
Le dernier tronçon, qui relie la brèche au pic sur le sol espagnol, est très aérien. Le sentier donnant sur le canyon d’Ordesa, le Cylindre du Marboré, le Mont Perdu, ou le haut du cirque de Gavarnie, offre une vue exceptionnelle. Deux difficultés peuvent être rencontrées : des névés demeurent souvent jusqu’au milieu de l’été, faîtes attention en les traversant. Restez aussi vigilants lors du passage de la cascade sur la montée. N’hésitez à utiliser la chaine fixée car les cailloux sont parfois glissants.
Cette boucle passe au milieu des plus beaux lacs des Pyrénées. Elle offre des vues spectaculaires autour du pic du Néouvielle. Dès le départ, le lac d’Orédon offre un premier plan magnifique sur le sommet. Le pic du Néouvielle va dominer toute la randonnée, qui continue doucement entre les lacs d’Aubert et d’Aumar avant d’attaquer la montée jusqu’à la Hourquette d’Aubert.
Abrupte, mais peu technique, elle présente des environnements différents, du sous-bois au pierrier. Le panorama à 360° est alors incroyable. Pile entre le célèbre pic et une multitude de lacs de part et d’autre du col. La descente se fait par le même chemin, mais avec cette fois les lacs en arrière-plan.
Un conseil : tenter un itinéraire alternatif en empruntant le GR 10 au bout du lac d’Aumar. La vue vers le pic de Madamète est spectaculaire. Les plus motivés peuvent descendre de la hourquette et remonter sur le col, pour 2 petits kilomètres supplémentaires.
Facilement accessible, y compris aux enfants, cette marche de quelques heures vous permet de découvrir l’architecture pastorale locale, des granges de montagne et des pâturages typiques, sans trop vous éloigner du village. La culture pyrénéenne doit beaucoup au pastoralisme. Dans cet élevage extensif, les troupeaux montent vers les estives lors des transhumances.
Après avoir fait le plein d’eau au lavoir de l’église et remonté le village de Soulan, le chemin mène aux crêtes de Grascoueou. On bifurque sur la gauche pour longer le GR 10 sur un demi-kilomètre, jusqu’au dessus des granges. L’endroit idéal pour pique-niquer devant un beau panorama avant d’attaquer le retour en rejoignant le GR 10 passant en contrebas.
Un conseil : Y aller en juillet, quand les gentianes en fleur créent des aplats sauvages d’un jaune saisissant et que les troupeaux sont en estive.
Alix, un siècle de photographie pyrénéenne — Christian Raby et Loïc Chauvin (2019)
Le studio de photographie Alix est une légende dans la région pour avoir photographié pendant plus d’un siècle les montagnes. Ce livre présente une sélection de 116 photos, allant des cours de ski dans les 1930’s à l’industrialisation de la région dans les 1950’s, en passant par des scènes aux thermes.
La randonnée de A à Z — Jean-Marc Aubry (2003)
Bijou d’humour sous la forme d’un lexique parmi les célèbres petits livres rouges de la collection Guérin.
Les premières féminines dans les Pyrénées — Nanou Saint-Lèbe (2012)
L’histoire et les média ont longtemps mis de côté ces pionnières. Nanou Saint-Lèbe revient sur les carrières, souvent interrompues par les obligations imposées par la société, de ces femmes ayant gravi les sommets.
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