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Inauguré en 1930, la Long Trail aux États-Unis est le plus vieux chemin de randonnée de longue distance du pays. Il traverse l’État du Vermont du Nord au Sud, le long des Green Mountains.
Moins connu que le mythique Appalachian Trail, dont il partage certaines portions, ce sentier de 439 kilomètres cumule un dénivelé total équivalant à deux fois l’ascension du mont Everest, à travers les épaisses forêts vertes et les collines du Vermont, qui tient décidément bien son nom.
Habitant à Montréal, Anthony a souhaité se mesurer à la Long Trail pendant une semaine. L’occasion de sortir son argentique, ses pellicules et son carnet de croquis, prendre le temps d’observer ces étendues sauvages à perte de vue loin du bruit et des distractions de la vie, et de rencontrer des « thru-hikers » qui passent une partie de leurs vies sur les sentiers infinis des États-Unis.
Nous prenons la route pour le Vermont. Le trajet en bus en provenance de Montréal est long, mais qu’importe : nous sommes bien trop excités à l’idée de passer une semaine en pleine nature.
Le lendemain, nous nous réveillons dans une chambre de motel à Burlington. Un premier bus vers le Sud nous mène à Rutland. S’en suit un autre, en direction de Killington, qui nous dépose au bord de la route US-4 à 11 heures. Nous y sommes. Il n’y a plus qu’à mettre cap au Nord, pour une semaine. Les premiers pas sont durs, il faut bien l’avouer. Je n’ai pas l’habitude de marcher avec un sac à dos de 15 kilos !
Nous marchons une vingtaine de kilomètres jusqu’au David Logan Shelter pour notre première nuit de randonnée sur la Long Trail. La tente montée, je vais rapidement chercher de l’eau au ruisseau le plus proche pour préparer du riz mexicain alors que la nuit commence à tomber.
Nous sommes arrivés avec un plan précis et détaillé au jour le jour, mais nous l’avons vite abandonné. Nous prenons le temps, chaque soir, de regarder la carte pour décider du programme du lendemain selon notre forme et notre motivation.
Se réveiller en pleine forêt, dans la faible lumière de l’aube, a un petit goût de paradis. Nos premiers jours de randonnée sur la Long Trail se font en commun avec le fameux Appalachian Trail, le sentier de randonnée le plus long au monde. Mais une fois que les chemins se séparent, nous nous rendons vite compte que le nôtre est bien moins emprunté, beaucoup plus calme.
Nous comprenons rapidement le surnom du Vermont, « The Green Mountain state ».
La plus grande partie de notre randonnée sur la Long Trail se trouve dans les bois et le sentier peut parfois ressembler à un tunnel vert. Nous comprenons rapidement le surnom du Vermont, « The Green Mountain state ».
Après vingt kilomètres plutôt difficiles, nous atteignons Sucker Brook Shelter. Des petites cabanes jalonnent le parcours, tous les quinze kilomètres, offrant un abri pour la nuit. La plupart d’entre elles ont une structure à trois côtés avec un toit incliné et un côté ouvert. Simple, mais efficace.
On y trouve aussi des emplacements pour les tentes, afin de suivre les principes du « Leave No Trace » et de ne pas laisser d’impact sur le terrain.
Le Vermont a une population de plus de 5 000 ours noirs, ce qui nous oblige à suspendre notre nourriture aux arbres le soir. Malgré tout, nous n’en verrons aucune trace.
Le quatrième jour, nous marchons quinze kilomètres sous le soleil jusqu’au Cooley Glen Shelter, après avoir enchainé une série de sommets nommés d’après d’anciens présidents des États-Unis : le Mont Wilson, le Mont Roosevelt et le Mont Cleveland. Il nous restera le Mont Grant et le Mont Abraham, le lendemain.
Au campement, nous rencontrons un vieil homme seul qui nous raconte ses anciennes aventures. Il a déjà effectué quatre fois l’Appalachien Trail. Je fais rapidement le calcul et me rends compte qu’il a passé deux ans de sa vie sur le sentier. Je suis impressionné par sa passion pour la nature.
Je fais rapidement le calcul et me rends compte qu’il a passé deux ans de sa vie sur le sentier.
Nous apprenons que les « thru-hikers » — qui parcourent les sentiers de longue distance de bout en bout — se donnent des « trail names »: des noms faisant référence à un trait de personnalité ou à une expérience de randonnée. Nous rencontrons ainsi « Old School » et « Oreo », passionné de biscuit.
Le lendemain, vers 16 heures et après 23 kilomètres éprouvants, nous arrivons miraculeusement jusqu’à Stark’s Nest, une cabane en haut d’une station qui sert à réchauffer les skieurs l’hiver. Elle n’était pas sur la carte, mais on s’y installe pour la nuit.
De nombreux randonneurs arrivent durant la soirée. Avant la tombée de la nuit, tout le monde s’installe devant la cabane avec des réchauds et des variations de pâtes et autres mets déshydratés. Tout le monde cuisine en parlant de nourriture. C’est définitivement notre plus gros manque.
La plupart des abris contiennent un carnet à spirales rempli de notes de randonneurs. Ils sont souvent pleins d’humour et parfois accompagnés de croquis. Nous nous amusons à retrouver les personnes rencontrées quelques jours plus tôt. Nous observons le coucher du soleil en grimpant sur une remontée mécanique. C’est la pleine lune, ce soir-là. Le froid arrive et nous pousse à l’intérieur de la cabane pour dormir.
Une grosse pluie s’abat au petit matin. Les premiers kilomètres se font sentir. Certaines sections sont très raides et nécessitent de descendre par des échelles. Une grosse journée nous attend, avec la montée de Camels Hump, l’une des montagnes les plus célèbres du Vermont. Elle doit son nom à son sommet en forme de bosses de chameau. Nous luttons contre le vent durant l’ascension. La montée est difficile mais la vue, une fois arrivés, est incroyable.
La descente se fait le long d’une crête sur un chemin rocheux. Des nuages se sont formés au loin. Ils se dirigent vers nous. Nous marchons d’un pas déterminé pour atteindre le plus rapidement possible au prochain campement, le Banforth Ridge Shelter. À peine sommes-nous arrivés qu’une grosse pluie s’abat. Le tonnerre gronde…
Ce soir-là, nous prenons la décision de terminer notre aventure le lendemain. Tant pis pour le Mont Mansfield, censé marquer la fin de notre randonnée. La fatigue physique et mentale ont eu raison de nous. Après une dernière nuit sur la Long Trail, nous nous réveillons une dernière fois en pleine nature, sous le soleil. Il est difficile de dire au revoir au sentier…
Une fois arrivés sur la route, nous rencontrons un vieil homme venu promener son chien. Nous discutons et il nous propose de nous amener à la ville la plus proche en voiture, Jonesville. Nous filons sans plus attendre vers le supermarché le plus proche, en quête de nourriture dont nous avions tant rêvé les derniers jours. Après une semaine passée dans les montagnes, le retour à la ville est surprenant. Nous prenons le temps de souffler avant de rentrer à Burlington en taxi.
Le soir, à l’hôtel, autour d’une bière, nous nous rendons compte que l’odeur de la forêt nous manque déjà. Mais aussi que j’ai perdu deux de mes trois pellicules photo. Elles ont dû s’échapper de mon sac. Je suis triste mais rassuré de savoir que ces souvenirs resteront dans ma tête pour un bon petit bout de temps.
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