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S’échapper un week-end, trouver l’aventure, mais pas trop loin, pour pouvoir vraiment en profiter. Voilà le plan de Marie et Gaëtan, partis se faire une micro-aventure dans les Ardennes enneigées. Un abri, quelques bières, la laisse du chien, un peu de stop, des RTT à poser, et le tour est joué.
La voiture roule à vive allure sur l’asphalte gelé. Une allemande. Un truc hors de prix. Le dernier Muse, un café dans le réceptacle prévu à cet effet. Les mains à 10h10, coup d’oeil dans le rétro central. Lunettes griffées. Irréprochable, lisse. Au détour d’une ondulation de la route entre les sapins élancés couverts de givre, deux silhouettes au loin, sur la droite, le pouce levé.
L’homme sait déjà qu’il ne s’arrêtera pas. Son pied n’effleure même pas le frein. Mais il est surpris par la vitesse, il passe un peu près, donne un coup de volant à la dernière seconde. Il a vu le chien tirer vers la gauche. C’est un peu bête. Il mord la ligne centrale avec un petit sursaut. Il ne faut pas, sortir des lignes. La situation est vite maîtrisée et la berline file de nouveau vers l’horizon, entre les clous. Les hippies restent dehors et lui dedans. Le café, comme dans la pub, n’a pas bougé.
Nous, comme deux gosses perdus. On prend des râteaux depuis une demi-heure par des gens qui conduisent trop vite des bagnoles trop chères. Mais, pour tout vous dire, on s’en fout pas mal. Parce qu’on pue le feu de bois, parce qu’on s’est réveillés avec le soleil, qu’on se couchera bien après lui, qu’on traverse la route et les lignes qu’il y a dessus, que cet horizon, on a hâte de le rejoindre et voir ce qui se cache derrière. Parce que nos sacs sont aussi lourds que nos coeurs sont légers. On a décidés qu’on en avait rien à carrer. Des vieux en Mercedes, des traits tirés, des températures polaires, des chaussettes trempées, des haleines de phacochères.
On sait simplement que c’est le prix à payer, le grain de folie nécessaire, pour voir les choses telles qu’elles sont : belles et simples.
Celui dont nous avons perturbé le quotidien n’est que le énième témoin d’une échappée belle, d’une bouffée d’air frais dans nos vies saturées, d’une envie un peu floue : ailleurs, loin, autrement. Une tente sur le dos, une amie et un ami, de la viande séchée, un Jack Russel, de quoi démarrer un feu, la route et ses lentes circonvolutions qui viennent rythmer tes pensées. Il nous a croisés au kilomètre 107 d’un tracé de 120, allègrement jeté entre le lac de la Gileppe, les ruines du château d’Amblève, le rocher de Houffalize, la vallée de la Salm et le rocher du Hérou. Pas de carte, seulement nos pas alourdis par la neige et la nuit.
Quelques conducteurs providentiels sauvent notre périple de la déroute en nous permettant de rattraper le retard accumulé par nos mollets endoloris. La simplicité de nos conversations, de nos silences étouffés dans les sous bois, d’un coucher de soleil sur les Ardennes frigorifiées ou d’une recette mêlant banane, chocolat et aluminium, a quelque chose d’essentiel : un rappel au nécessaire, à l’authentique.
Les Ardennes, c’est rude, surtout entre -5 et 5 °C, mais on a trouvé ce que nous étions venus chercher : un peu d’insouciance et de liberté.
Ma vieille Volvo, abandonnée au point de départ, nous retrouve éreintés, cernés d’une odeur de bière et de fumée. Un enfant. Je me suis senti comme un enfant durant ces 4 jours, et, vous savez quoi ? Je crois que, contrairement à cet homme qui ne s’est pas arrêté, j’ai un peu freiné sur le chemin du retour, et, aujourd’hui, quand je prends un café, je l’entoure de mes mains pour les réchauffer, en prenant garde de ne pas trop le secouer.
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