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Sortir des sentiers battus en Espagne demande un peu de détermination. Il y a quelques mois, Zak Beauvois, Léonie Malherbe et Jonathan Bertin partaient à la recherche de lieux préservés lors d’un road trip en Galice. C’est vers l’île de Minorque que Steve Léon Brown et son ami se sont dirigés, pour une randonnée à vélo sur une ancienne piste équestre leur réservant bien des surprises.
Un jour de printemps comme les autres, j’étais au téléphone avec Joe, mon ami et partenaire de vélo, quand la conversation prit un angle beaucoup plus intéressant. Les discussions sur le boulot et la perspective déprimante d’un autre été anglais ont vite laissé place à un tout autre projet : c’est décidé, on part fin septembre vers l’île de Minorque, pour dix jours d’aventure à vélo.
Quatre mois plus tard, on se retrouve à Minorque devant nos vélos en pièces détachées sur le trottoir. Il n’y a plus qu’à les ré-assembler ! On quitte l’aéroport avec tout ce qu’il faut pour les dix jours à venir. Le voyage commence, et on prend alors conscience qu’on n’a pas de plan concret, pas d’endroit où dormir et pas de direction spécifique à prendre. On est maître de nos décisions, ce qui, au début, est quelque peu intimidant !
On se dirige vers Mahon, la capitale. Un premier ravitaillement s’ajoute au poids déjà conséquent de nos vélos. Mais le crépuscule approche à vitesse grand V. Les longues soirées d’été sont déjà loin, et on s’était habitués aux jours d’été islandais sans fin durant notre dernière aventure. Il est clair que ce ne sera pas le cas ici.
On avait une vague idée de notre trajet : suivre une ancienne piste équestre qui entoure l’île, le Cami de Cavalls. On quitte Mahon et ses bateaux de croisière, ses tapas et ses terrasses saturées de cerveza, pour se mettre en quête de ce fameux parcours. On pédale en direction de l’est. Alors qu’on pensait y trouver le début du sentier, on se retrouve face à ce qui semble être une impasse, une sorte de pente menant droit à la mer.
Selon la carte, on est pourtant au bon endroit. Après avoir laissé nos vélos en équilibre très précaire, on évalue le terrain et on découvre à notre grande surprise qu’une série de marches en ruine se faufilent entre quelques habitations. Voilà le sentier ! On éclate de rire et on se lance dans la pente. Mais on se rend très vite compte que notre excursion sur le Cami de Cavalls va être plus compliquée que prévu… et laisser très vite laisser place à une randonnée hybride entre vélo et marche à pied.
Partir dix jours en Méditerranée à la fin de l’été, sans tente et avec nos hamacs comme seul hébergement, on savait que c’était risqué. Après avoir bataillé avec le terrain, on arrive enfin à notre premier campement : une belle crique isolée, Calo d’en Rafalet, au coeur d’une forêt de pins. Elle nous accueillera pour la nuit.
Après avoir caché nos vélos entre des buissons, incapables de les descendre dans notre nouvel abri, on s’installe, suspendus dans nos hamacs, dans le silence et l’obscurité. Quand on a jamais dormi en hamac, trouver le sommeil n’est pas si simple. Dans le noir, on s’interpelle par intermittence pour se rassurer. Puis on réalise qu’on va devoir affronter notre premier orage.
– T’as vu ça ?
– Quoi ?
– Les énormes éclairs dans le ciel !
Le lendemain, on part vers l’ouest en longeant la côte méridionale. On progresse bien malgré le terrain toujours aussi imprévisible. On blague, on rigole, on pédale sous le soleil. Pour notre quatrième jour sur l’île, on arrive à Cala Mitjana : un paradis méditerranéen, avec ses falaises calcaires, ses grottes, ses criques, ses plages de sable blanc… Le tout entouré de forêts de pins parfumées, sous un ciel bleu d’azur et sans le moindre nuage. On passe le reste de la journée à profiter de la mer encore chaude, à taquiner les poissons, escalader les grottes pour plonger et c’est à contre coeur, comme deux gosses en sortant d’un parc aquatique, que l’on retourne sur le sable en fin de journée.
On installe notre campement au bord d’une falaise surplombant la baie et on se retrouve, sans y avoir pensé, aux premières loges pour le lever du soleil. Quelques verres de vin espagnol plus tard, on s’endort. Soudain, un visiteur nocturne apparait : un rat se fraie un chemin parmi nos sacs et dévore tout ce qu’il peut y trouver ! Après plusieurs tentatives inutiles pour le faire fuir, on se résigne à l’adopter pour la nuit, car après tout, nous étions sur son territoire.
Dans n’importe quelle aventure, qu’elle dure des semaines, des mois, des années ou seulement 10 jours, il y a toujours des moments qu’on ne souhaite jamais revivre. Pour nous, ce sera le sixième soir, à Cala Algaiarens. En cause : les moustiques, qui avaient été un problème depuis notre arrivée. Est-ce la saison ? Le manque de vent ? Qui sait. N’ayant pu trouver où accrocher nos hamacs ce soir-là, on décide de dormir sur les dunes de sable face à la mer.
Avec des températures bien trop chaudes pour dormir dans un sac de couchage mais toutefois bien trop de moustiques pour passer la nuit sans protection, on est condamnés à s’envelopper un maximum et à porter une moustiquaire autour du visage, ce qui est inconfortable. La moustiquaire m’étouffe, je me résigne à l’enlever et à être dévoré. Après avoir été piqué plusieurs fois sur les joues, les lèvres et les paupières, mon visage commence à enfler. On décide de changer de camp, trainant notre attirail derrière nous. Dans l’obscurité, Joe heurte un rocher et s’ouvre le pied… On quitte Cala Algaiarens sans aucun regret.
Cette aventure nous a fait découvrir le voyage dans sa forme la plus simple. Oublier le GPS, le confort et la sécurité, retrouver le respect de la nature et apprécier tout ce qu’elle peut nous apporter. Le lever du soleil devient la sonnerie du réveil et la météo détermine la journée. Les choses qui d’ordinaire n’ont pas d’importance prennent alors tout leur sens.
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