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Lassé de son métier de paysagiste, Xavier Fender a quitté Paris pour la campagne seine-et-marnaise. À 29 ans, son rêve de devenir maraîcher a pris le dessus sur sa carrière florissante. Sa ferme Les Limons de Toulotte, dénichée sur le site leboncoin en 2014, défend aujourd’hui une culture biologique respectueuse de son territoire. Une reconversion salutaire pour l’agriculteur et sa famille.
Une histoire publiée dans Les Others Volume 12, en partenariat avec leboncoin.
L’hiver n’est pas encore là et déjà, un ciel blanc cassé embrasse les forêts alentour. À un peu plus d’une heure de route de Paris, le village de Sancy-lès-Provins nous rappelle que l’Île-de-France est un grand territoire rural. Le long de la D60, les poteaux électriques rythment le trajet jusqu’à la bifurcation finale : « Toulotte, deux kilomètres ». C’est dans ce hameau de Seine-et-Marne que Xavier Fender a choisi, il y a six ans, de s’offrir un nouveau départ en famille. Sa ferme baptisée « Les Limons de Toulotte » s’esquisse à travers le pare-brise. Nous voilà sur les terres de sa seconde vie.
Ces nouveaux paysans ont souvent fait de longues études et occupé des postes aliénants avant d’écouter l’appel de la terre.
Accueillant, l’agriculteur nous propose un café et, sur-le-champ, se met à évoquer son parcours. Né dans le 12e arrondissement de Paris, il développe très tôt un intérêt pour les plantes. Au collège, sa chambre a des airs de jardin d’intérieur. Du sol au plafond s’épanouissent des ficus, des cactus et des orchidées. Quand vient l’heure de choisir son orientation, le jeune homme se tourne vers des études à l’Institut national d’horticulture et de paysage d’Angers. Cinq ans plus tard, il décroche un diplôme d’ingénieur agronome et devient paysagiste au Pré-Saint-Gervais (93).
Tandis qu’il nous fait visiter ses parcelles. Xavier se souvient : « Je répondais à des problématiques de développement durable pour des marchés publics. J’avais une vie de citadin, salarié puis associé dans une agence. » Bien qu’il aime son métier, il regrette à l’époque que la plupart des projets d’écoquartiers restent lettre morte. En 2011, la naissance de son premier fils opère comme une révélation. Il souhaite se reconvertir. Plutôt que de vendre du béton, Xavier aspire à renouer avec le vivant.
Deux ans plus tard, il se met en relation avec Abiosol. Un regroupement de quatre associations d’Île-de-France qui accompagne les projets d’installation des futurs agriculteurs biologiques. Sans ancrage dans la paysannerie, ceux- ci doivent faire face à de nombreux obstacles liés aux financements, aux investissements et à la recherche de terrains. Ils sont pourtant de plus en plus nombreux à sauter le pas. Nourris d’idéaux et emplis d’espoir à l’idée d’agir pour la planète, ces nouveaux paysans ont souvent fait de longues études et occupé des postes aliénants avant d’écouter l’appel de la terre.
Comme eux, Xavier déborde d’enthousiasme. Encore à Paris, il met un pied dans l’agriculture en produisant du miel grâce à deux ruches installées dans la friche industrielle du 6B, à Saint-Denis (93). En parallèle, il se forme au métier de maraîcher. Son projet se dessine au fur à mesure qu’il réalise sa charge de travail à venir, les revenus envisagés et sa part de plaisir. S’il opte pour le maraîchage, c’est parce que la viabilité économique et le retour sur investissement sont plus rapides qu’en arboriculture. La culture légumière porte ses fruits au bout d’un an et la demande est forte en région parisienne.
Mais l’agriculture biologique a beau être une évidence pour Xavier, elle rend plus difficile la recherche d’un terrain. « Je voulais qu’il soit situé à une heure maximum à l’est de Paris et que les terres ne soient pas polluées par trop de voisins en agriculture conventionnelle. » Afin de trouver cette aiguille dans une botte de foin, le futur maraîcher compte sur le réseau de ses beaux-parents, celui des notaires et des SAFER – les organismes officiels d’attribution des terres agricoles. La recherche est fastidieuse et le résultat insatisfaisant.
C’est finalement sur leboncoin que l’agriculteur tombe sur une annonce prometteuse dans le lieu-dit de Toulotte : « Maison à vendre avec le terrain (possibilité 4 hectares) ». Xavier se rend sur place et est séduit par l’environnement. Un peu plus petite que ce qu’il espérait. La parcelle présente un intérêt majeur, elle est entourée de bois et plutôt isolée des autres terres agricoles. Convaincu, le paysan fait un emprunt à la banque, obtient des aides de la région et achète le terrain. En février 2015, il emménage dans la maison d’en face et inaugure l’exploitation. Il a alors 30 ans.
L’objectif de la première année est de cultiver une vingtaine de légumes pour l’année suivante. Au fil du temps, les carottes et échalotes de la première heure ont gagné de nombreux voisins. En cinq ans, les quatre hectares ont vu naître 120 variétés d’une quarantaine de légumes. L’exploitation compte plusieurs serres, des cultures plein champ, une mare blottie contre la forêt pour l’alimentation en eau et quelques ruches dont le miel nourrit Xavier et ses proches.
Fin octobre, les dernières tomates laissent doucement place aux choux, épinards, mescluns et autres patates douces. Sous la serre d’été, on trouve les derniers piments rouges, du thym, et même du shiso, surnommé « basilic japonais ». En 2019, la ferme a produit 35 tonnes de légumes parmi lesquels une majorité de courges, de tomates et de pommes de terre. Cette diversité entraîne cependant son lot de difficultés, « Cela apporte un équilibre à la terre mais chaque variété doit être traitée différemment » nous éclaire le maraîcher.
S’il trouve le terme de « permaculture » galvaudé, Xavier s’adapte en perma nence aux propriétés de la terre ainsi qu’à la faune et à la flore locales.
Par respect pour son environnement, l’homme n’irrigue pas les plants et ne laboure pas. Il utilise également du compost de lin ou de fumier bovin. Enfin Xavier effectue une rotation pluriannuelle des cultures. Cette pratique, obligatoire en agriculture biologique, consiste à alterner les cultures sur une même parcelle pour ne pas laisser se développer des maladies. L’agriculteur plante aussi plusieurs centaines de pommiers, de poiriers et de cognassiers afin de diversifier les caractéristiques écologiques du site. Il fait également ses semis : « J’achète des graines à des producteurs français puis une machine située dans notre hangar prépare le terreau. Ça me permet de maîtriser les variétés et le planning de production. » Et s’il trouve le terme de « permaculture » galvaudé, il s’adapte en permanence aux propriétés de la terre ainsi qu’à la faune et à la flore locales.
Sur le plan économique, Xavier a bénéficié dès son installation d’un filet de sécurité, celui du réseau AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) Île-de-France. « J’ai été mis en contact avec les 7 Arpents à Pantin. Le fait que les clients s’engagent à payer leurs paniers à l’année et soient solidaires des aléas de nos récoltes a été un énorme avantage. » Depuis, il approvisionne aussi une AMAP située près de la ferme et une autre dans le 19e arrondissement. Chaque jeudi, son employé Thomas et lui effectuent les livraisons à Paris.
La quasi-totalité de la production est écoulée grâce aux AMAP. Le reste est vendu directement à la ferme et à des restaurants renommés. Manon Fleury, l’ancienne cheffe du Mermoz (8e) s’est réjouie de cuisiner ses légumes et le chef Alessandro Candido a accordé toute sa confiance à Xavier avant même l’ouverture du Candide (10e). Sur son compte Instagram, le restaurateur qualifie ces livraisons hebdomadaires de « bonheur végétal ». Quand on interroge Xavier sur l’excellence de ses produits, il répond, modeste, que le sol limoneux, facile à travailler et perméable à l’eau et à l’air est en grande partie responsable. À cela s’ajoutent évidemment le travail qu’il abat avec Thomas et l’amour qu’ils portent tous les deux à leurs légumes.
Alors qu’il s’apprête à célébrer sa sixième année à la ferme. Xavier sait qu’il risque de subir une fois encore les affres du changement climatique. Depuis son installation, il a vécu trois sécheresses jugées « exceptionnelles », une canicule par an et une année d’inondation. « Au début, ça a été très dur à vivre, maintenant on fait avec » confie-t-il, résilient. En 2019, le solde de son entreprise a été positif pour la première fois mais il faudra encore des années avant qu’il ne puisse se verser un salaire correct.
Sa formation avait préparé Xavier à une telle charge de travail mais le passage du milieu urbain au milieu rural a, quant à lui, été plus déstabilisant. « Je ne m’attendais pas à vivre un choc à ce niveau-là. Notre village n’a d’Île-de-France que le nom » avoue-t-il. Sa vie parisienne lui plaisait beaucoup, notamment la proximité des librairies, les nombreux spectacles et la facilité à se déplacer. Il ajoute : « Mon environnement naturel c’est Paris. J’aurais bien aimé avoir mes quatre hectares dans le 4e arrondissement et y aller en métro ! »
Les années passant, sa compagne, ses deux fils et lui se sont malgré tout habitués à leur nouveau rythme de vie. Leur village d’adoption est situé à vingt-cinq kilomètres des villes de Provins et Coulommiers. À Toulotte, ils apprécient le silence de la nature et l’absence de sollicitations per- manentes. La crise sanitaire les a d’ailleurs confortés dans leur choix. « Contrairement aux citadins, on ne subit pas vraiment le confinement. Notre quotidien reste le même. » Cette année, ils ont d’ailleurs été témoins d’un nouvel engouement pour leurs produits. « Il y a même un mec, parti se confiner en Normandie, qui voulait que je lui envoie des légumes par la Poste », se marre Xavier.
Quelques années après ce changement de vie radical, le maraîcher est épanoui et a toujours des projets sur le feu. Les bâtiments présents sur l’exploitation accueilleront prochainement une serre à plants et des logements pour les stagiaires et les saisonniers. Outre le verger en perpétuelle expansion, la ferme proposera à terme des fleurs comestibles destinées à la restauration. Nous quittons les Limons de Toulotte à l’heure du déjeuner et Xavier retourne travailler. Sur la parcelle qui a vu éclore les melons estivaux, il sèmera bientôt des carottes. « On devra attendre avril pour les récolter. Il faut savoir être patient en agriculture. » Une considération à mille lieues de la frénésie parisienne.
Texte : Hélène Rocco
Photo : Elliott Verdier
En partenariat avec
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