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Après Sarah, qui vous racontait son road-trip de 10 jours entre l’ïle de Mull, l’île de Skye et les Highlands le mois dernier, c’est au tour de Virginie, également membre du Fresh Air Club, de partir se couper du monde dans un coin de l’Écosse, sur l’île de Jura. Elle raconte son voyage les pieds mouillés, la nuit en refuge ou sous une tente trempée, mais toujours appareil photo à la main.
Lundi 9 janvier au matin.
Pour la première fois, je me pare de mon sac à dos, consciencieusement préparé pendant les jours qui ont précédé, et pour la première fois, je prends toute la mesure de ce que je m’apprête à vivre. Il y a dedans de quoi rester coupée du monde pendant 10 jours. Je ressemble à un drôle d’animal, espèce hybride né d’une mule et d’une tortue. Ma maison sur le dos, je prends le chemin de l’île de Jura dans les Hébrides intérieures, en Écosse.
James, mon compagnon, a un projet photographique qui nous amènera à arpenter à plusieurs reprises cette année la côte ouest de l’île, inhabitée et réputée tempétueuse. C’est précisément pour cette raison que nous y partons. Il y a ce fantasme de la nature sauvage et intouchée, quand bien même il ne s’agit que d’un rêve. Capturer le temps qui passe sur des paysages immuables nécessite une immersion totale. Nous partons explorer et ça fait du bien !
Dans le bus qui nous conduit au bout de la route les regards sont interrogateurs. Qui sont ces pauvres fous qui souhaitent camper en hiver ?! Nous ne croiserons personne jusqu’à notre retour. Les 200 âmes qui peuplent Jura sont groupées sur les côtes est et sud, plus protégées des intempéries.
C’est la première fois que je pars pour une si longue durée en totale autonomie. La logistique a été minutieusement pensée, tout est pesé, calibré, compartimenté, emballé dans des sacs étanches. Quand bien même, nous savons qu’il nous faudra faire face à des imprévus. Après notre première nuit passée dans une tente montée sous une pluie torrentielle, nous comprenons qu’il nous faudra également, malgré toutes nos précautions, supporter une humidité constante et plus dérangeante que le froid en lui-même.
Fort heureusement nous établissons notre camp de base pour la majorité de notre séjour dans l’un des trois « bothies » que compte l’île, ces anciennes maisons de paysans devenus des refuges plus que bienvenus pour les randonneurs. L’intérieur est rustique mais il y a là tout ce dont nous avons besoin.
Chaque jour, peu après 16h, alors que la nuit tombe, commence le rituel du soir : faire un feu, préparer le café, sécher le matériel et préparer l’itinéraire du lendemain. Pour les longues soirées à la frontale j’ai dans mon sac 1984 d’Orwell. C’est d’ailleurs sur l’île, où il avait une propriété, que l’auteur a achevé d’écrire sont chef d’œuvre.
Autant le dire, partir marcher en Écosse en hiver signifie patauger. Le sol est gorgé d’eau. Chacun de nos pas est associé à un bruit de succion très caractéristique, quand nous ne nous retrouvons pas avec de l’eau jusqu’aux chevilles (dans le meilleur des cas). La seule façon d’échapper à ce monde aquatique est de prendre de la hauteur et là, c’est le vent, pointant à 70km/h, qui vient nous marteler le visage.
La météo ne nous laissera que peu de répit durant tout notre séjour. Pluie, neige, grêle… tout y passe. Le soleil, lorsqu’il fait de timides apparitions, est une vraie une bénédiction. Peu importe. Les paysages sont grandioses, bien au-delà de ce que l’on s’était imaginé.
La végétation est en mode hivernal et attend des jours meilleurs pour renaître. Déjà pourtant, les couleurs sont riches et changent au gré des variations de lumière. Hautes herbes jaunes, fougères brunies par le froid, quelques patchs de vert et de la bruyère, sèche et sombre… pour peu qu’il pleuve alors l’ensemble prend des tonalités rouge-orangé, les couleurs s’intensifient, se densifient.
Les reliefs jouent parfois à cache-cache dans les nuages. Autour de nous, tout peut changer du tout au tout en l’espace de quelques minutes. Mais c’est la géologie qui me marque le plus. Riche de détails innombrables, les roches affleurent, tendues, cisaillées, déformées. Elles sont les témoins précieux des forces à l’œuvre en souterrain et, privilégiée que je suis à pouvoir ainsi les contempler, je souris béatement. Cela fait un bien fou d’être là…
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