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Qu’ils se battent pour développer les transports collectifs, démanteler d’anciennes stations de ski ou encourager les femmes à accéder aux sports outdoor, Ces associations de protection de la montagne œuvrent aux avant-postes du réchauffement climatique.
The North Face s’engage auprès de ces associations de protection de la montagne et les aide financièrement à travers son programme Explore Fund pour rendre l’exploration accessible à tous, aujourd’hui comme demain.
Avec Robin Janvier de Protect Our Winters (POW), Anne Lozé de Mountain Wilderness et Naoimh O’Hagan du Women’s Mountain Club de Chamonix, nous avons échangé sur les défis à relever et les actions à mettre en place pour assurer l’avenir de la montagne et de ceux qui la vivent.
Des entretiens initialement publiés dans Les Others Volume 12, (Re)construction.
Robin Janvier : Plus de 50 % des émissions de CO2 d’une station de ski sont attribuables au transport, qu’il s’agisse de celui des locaux ou des vacanciers. Le réchauffement du climat, la qualité de l’air, la faune, la flore… Les impacts de ces émissions sur la montagne et ses habitants sont catastrophiques. Certaines vallées sont constamment recouvertes d’une chape de plomb et à certains endroits, à cause de la pollution de l’air, il est même recommandé de ne pas laisser les enfants jouer dehors lors des canicules.
Ayant commencé à arpenter la montagne très jeune, j’ai déjà pu ressentir l’évolution du climat de manière locale. Le concept même de saison ne veut plus rien dire, on a des sessions de poudre bien fraîche en plein mois de juin ! Ça en devient presque cliché, mais il suffit de regarder les marches marquant la hauteur de la Mer de Glace à Chamonix… Le glacier a perdu plus de 120 mètres de glace en moins de 100 ans ! À ce rythme-là, il pourrait avoir totalement disparu d’ici la fin du siècle.
La première chose à faire est de favoriser les transports collectifs en général et le train en particulier. Avec POW, on développe le programme « Aventures sans voiture ». L’idée est simple : on propose des itinéraires pour découvrir et profiter de la montagne en ralliant un point A à un point B sans devoir utiliser sa voiture. Le concept fonctionne partout et pour tout le monde, mais il s’applique surtout aux stations. Pour l’instant, nos premières sorties avec des topos détaillés sont disponibles sur l’application d’itinéraires en montagne Fatmap. On va enrichir tout ça cet hiver et dans les prochains mois.
J’ai récemment fait l’arête des Cosmiques avec Simon Charrière de POW Suisse. Le train a été plus galère que prévu et j’ai fini par le rejoindre en covoiturage, mais c’est possible ! Il faut juste revoir un peu sa manière d’appréhender sa pratique. D’ailleurs, l’arête des Cosmiques est une course mythique mais c’est aussi l’un des exemples les plus flagrants de la fonte du permafrost. En 2018, toute une section de l’arête s’est écroulée. Ça devient de plus en plus courant dans les Alpes. À cause des canicules à répétition (jusqu’à 25 °C à 2 000 mètres d’altitude), les sols gelés qui assurent la cohésion des blocs depuis des milliers d’années dégèlent petit à petit, et tout s’écroule.
Il faut garantir l’élection de gouvernants réellement impliqués dans la question climatique afin que nos actions individuelles soient soutenues par les décideurs. Si tu tries tes déchets correctement mais que la municipalité ne s’en occupe pas derrière, ton action ne vaut rien. POW mène des campagnes pendant les différentes élections pour rappeler à notre communauté l’importance de ces échéances. Pour que ça bouge, il faut un collectif fort, capable de peser sur les politiques, de soulever des questions qu’ils n’abordent pas toujours, comme la mobilité, les énergies renouvelables ou la solidarité. C’est important de pouvoir se retrouver, s’informer, échanger et faire corps. C’est aussi une façon de se motiver les uns les autres car certains peuvent avoir peur de s’engager. POW est là pour ça.
Un max de poudre, du ciel bleu et des grandes IPA à l’arrivée ! Plus sérieusement, l’idéal serait d’avoir des trains partout, comme en Suisse. Il faut faciliter l’accès à la montagne, travailler sur la mobilité, les aménagements et l’exploitation qui en est faite en général.
Anne Lozé : En un siècle, on est passés de la conquête des cimes avec des guides locaux au tourisme de masse. La volonté sociale de rendre la montagne plus accessible avec les congés payés et le Plan Neige (de 1964 à 1974, l’État français a développé une politique d’aménagement des Alpes afin d’y encourager le tourisme, ndlr) s’est perdue dans une course à l’or blanc. Les intérêts financiers ont pris le dessus avec des stations énormes, complètement décorrélées des enjeux et spécificités de chaque territoire, tout en proposant une mono-activité touristique à la fois polluante et fragile.
Le 17 septembre 2020, à 18 heures, un éboulement s’est produit sous les dômes de Monêtier dans le vallon du Grand Tabuc. On pouvait voir des bouts de glace de permafrost. Le matin même, je passais pas loin, en finissant le tour des Écrins. J’avais fait une course d’alpinisme qui redescend pile dans l’axe de l’éboulement pendant l’été. Ça a été un électrochoc. On voit bien que la montagne a ses limites avec le réchauffement climatique. Le tourisme est déjà obligé de changer ses pratiques. Le problème, c’est qu’il fonctionne en adaptation, plutôt qu’en anticipation. On agit au cas par cas. En ce moment, un des gros sujets est celui des stations de ski. Face au manque de neige, elles vont devoir trouver un autre moyen d’attirer du monde et changer de modèle économique à long terme.
Le manque d’enneigement conduit à la fermeture de plus en plus de stations chaque année, qui sont abandonnées en l’état. Se pose alors la question du devenir de toutes ces installations, remontées mécaniques, pylônes, conduites forcées… L’impact de ces équipements sur l’environnement est énorme, sans compter le danger qu’ils représentent pour les promeneurs et les animaux. On estime à plus de 3 000 le nombre d’aménagements de tous types (touristiques mais aussi militaires, agricoles ou industriels) abandonnés dans les montagnes françaises aujourd’hui. Et ce nombre augmente chaque année, dès que de nouveaux équipements nous sont signalés par des randonneurs ou des habitants. On monte régulièrement des chantiers de démantèlement pour y remédier et redonner aux sites leur état naturel.
Il faut reconsidérer nos modalités de sortie en montagne, en privilégiant les destinations locales et un tourisme ancré dans le territoire. En tant qu’habitants d’un territoire de montagne, il est essentiel de participer aux discussions sur l’aménagement local ou les plans d’urbanisme et se tenir éveillés quand de gros projets d’infrastructures sont déposés en mairie ! D’un point de vue plus collectif, Mountain Wilderness contribue à l’organisation des États généraux de la transition du tourisme en montagne qui se tiendront l’an prochain.
Nos attentes sont simples et ambitieuses à la fois : que tous les acteurs du tourisme se réunissent autour de la table pour échanger et mettre au point un plan d’action concret pour changer de modèle. Il faut diversifier les activités en favorisant notamment les circuits courts, l’artisanat local et l’agriculture, mais aussi développer des espaces de coworking, des restaurants et des lieux de vie ouverts à l’année et non uniquement destinés aux touristes.
Ma montagne idéale, elle n’existe pas vraiment parce que ce serait figer une idée dans le temps. Ma montagne idéale, elle est en perpétuel changement, elle est vivante. Elle évolue avec tous ses habitants, humains ou pas, qui cohabitent pleinement.
Naoimh O’Hagan : Ce n’est malheureusement pas une surprise. La place des femmes est encore bien inférieure à celle des hommes dans notre société, et le milieu de la montagne n’échappe pas à la règle. Parmi les exemples marquants, il a fallu attendre 1983 pour qu’une femme, l’alpiniste Martine Rolland, décroche pour la première fois le diplôme de guide de haute montagne. Ici, comme ailleurs, plus le niveau de qualification requis est élevé, moins on trouve de femmes. Rachel et Fay (cofondatrices du WMC et monitrices de ski, ndlr) étaient d’ailleurs les deux seules de leur promotion. Une atmosphère aussi masculine est néfaste à l’égalité des chances. C’est ce qu’on souhaite combattre avec le Women’s Mountain Club.
Bref, on part de loin, mais je crois que la situation s’améliore ces dernières années. Les groupes comme le nôtre se multiplient, il y a plus de femmes guides qu’auparavant (on en compte une trentaine en France pour 1 800 professionnels, ndlr) et les marques s’investissent également pour plus de représentation féminine dans le milieu de l’outdoor.
Notre rôle est de faire tomber les barrières qui empêchent les femmes d’explorer la montagne. Cela passe avant tout par la mise en place d’un environnement favorable, accueillant et bienveillant. Un espace où l’on peut dépasser ses limites en toute confiance. Ici les femmes peuvent être elles-mêmes car c’est « OK » d’essayer, de faire des erreurs et de recommencer. Il n’y a pas de jugement. On est toutes logées à la même enseigne ! Contrairement à Fay et Rachel, je ne suis pas monitrice, donc je participe aux sorties en tant qu’élève. Grâce à elles, j’ai pu me prouver que j’étais capable d’attaquer des descentes engagées et que je pouvais revenir à la prochaine sortie avec un nouvel objectif, encore plus difficile.
Nos membres ne sont pas là pour être câlinées. Elles veulent juste être dans les bonnes conditions pour sortir de leur zone de confort !
Au-delà d’être une école de ski, le WMC joue un vrai rôle social pour nos membres. On leur demande de passer le mot et d’inviter leurs amies, leurs collègues, leurs sœurs et toutes celles qui manquent de confiance pour profiter pleinement de la montagne. Certaines emménagent à Chamonix, viennent faire une session avec nous et repartent avec un nouveau cercle d’amies, pour partir ensemble à l’aventure. Notre groupe s’agrandit constamment. On ouvre un nouveau club à Morzine cet hiver. C’est super de voir cet état d’esprit se développer et s’étendre. Cela me donne beaucoup d’espoir pour l’avenir des femmes en montagne et dans la société en général.
Ma réponse aurait pu être bien différente avant la crise du Covid-19. La montagne idéale, aujourd’hui, c’est un endroit à l’abri du monde, où trouver la paix pour se concentrer sur l’essentiel. Mais c’est aussi un environnement plein de challenges à relever et de sourires à l’arrivée !
En partenariat avec
The North Face
L’exploration est l’oxygène de The North Face. Elle façonne leur identité, leurs luttes et leurs objectifs. Parce que le chemin de la découverte est aussi un chemin vers le progrès. Pour voir le monde au-delà de la carte et repenser ce que chacun de nous peut accomplir. Depuis 1966, The North Face n’a cessé d’explorer de nouvelles façons d’être acteurs du changement, pour l’humain et pour la planète.
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