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Qui est déjà allé dans le Parc national de la Vanoise a pu observer la dent Parrachée, dont la puissante pyramide sommitale se détache dans le paysage. En faire l’ascension l’hiver, skis de randonnée au pied, était un rêve de gosse pour Arthur Delicque. Il est enfin parti vers cette montagne mythique l’hiver dernier, pour une course relativement accessible aux débutants en alpinisme, et d’exceptionnels souvenirs.
Quand j’étais petit, mon grand-père m’avais promis qu’un jour on irait, lui et moi, en haut de la Dent Parrachée. Patience fût de mise pour que j’acquiert un niveau de ski et d’escalade suffisant pour s’y rendre. Je ne sais pas vraiment s’il avait oublié cette promesse mais, moi en tout cas, à chaque fois que j’allais skier à Aussois, je regardais avec attention l’immense et obscure face minérale. Je ne savais pas où passer, pas où grimper dans la face ? En ski dans les couloirs ? Par l’autre versant ?
Malheureusement, mon grand-père est parti en me laissant seul avec cette promesse. Une année après son décès j’ai décroché mon téléphone. « Bonjour, Allô ? Je suis bien au bureau des guides d’Aussois ? Parfait. J’aimerai aller en haut de la Dent Parrachée cet hiver. Vous avez un guide dispo à me conseiller ? » J’étais enfin prêt. Je n’avais jamais fais appel à un guide pour grimper ou skier quoi que ce soit. C’était une première et j’avais hâte.
La Vanoise se trouve en Savoie, bordé par les vallées de la Maurienne (dans laquelle nous sommes), de l’Isère, de la Tarentaise et de l’Arc. Créé en 1963, le Parc naturel de la Vanoise est le premier parc naturel français. Mitoyen du Parco nazionale Gran Paradiso, ils forment à eux deux l’un des plus grands espaces protégés d’Europe occidentale avec près de 1 250 km² ! Le parc abrite bouquetins, hermines, chamois, marmottes, aigles royaux, gypaètes barbus, trétras-lyre… ainsi qu’une flore tout aussi exceptionnelle, avec plus de 1700 espèces, soit un tiers de la flore de France.
Un espace naturel sublime donc, malheureusement victime de son succès depuis quelques années. Les visiteurs se bousculent sur les sentiers… Cela étant, au pied de la dent Parrachée et de la pointe de la Fournache (son sommet jumeau) se trouve Aussois, petite station familiale à taille humaine et point de départ de l’ascension de la dent Parrachée.
Culminant à 3 697 mètres, la dent Parrachée est le 4ème plus haut sommet de la Vanoise mais n’est pas bien compliqué. En été, c’est une belle randonnée. En hiver, mieux vaut bien tenir sur ses skis. La course est noté PD (peu difficile) mais comporte tout de même un passage à ski dans un couloir assez étroit à 45°. Si un bagage technique minimum est requis, ainsi qu’une bonne condition physique afin de gravir les 1 200 mètres de D+ (dénivelé positif) en ski de rando puis à l’aide de crampons et piolets, l’ascension de la Dent Parrachée est une très belle course pour s’initier à l’alpinisme aux côtés d’un guide.
Le mien s’appelle Xavier Gaillard. Et il porte bien son nom. Lui est né à Grenoble, tandis que son père est de chez moi, de Fontainebleau. Voilà déjà un point commun. Au téléphone, il m’a demandé si j’étais à l’aise sur les skis, si j’avais déjà fait ce genre de course en haute montagne. J’ai répondu par l’affirmative à la première question, mais non à la seconde.
Pour cette mission Parrachée, le plan est simple : partir d’Aussois un après-midi, monter au mythique refuge de la Dent Parrachée à 2 500 mètres où l’on dormira. Repartir à l’aube et atteindre le sommet en milieu de journée pour tout redescendre à ski, soit 2 200 mètres de dénivelé négatif. On va se régaler ! La date est fixée au 1er mars 2022.
C’est le jour J. Je me sens bizarre, à la fois excité et stressé. À 15h30 au pied du télésiège du Grand Jeu, j’attends Xavier. On check nos sac-à-dos, les skis, les chaussures, les bâtons, les gants, les baudriers… Tout est ok. Un second télésiège nous emmène en haut du domaine skiable. On descend une piste, puis tout commence : on passe en hors-piste direction Nord-Ouest, vers le refuge de la dent Parrachée. Trente à quarante-cinq minutes sont nécessaires pour y accéder. L’état de la neige à plus de 2000 mètres me met en doute. Xavier me rassure. « Si on va assez vite demain matin, la neige n’aura pas trop le temps de tourner sur la descente. » Le 7e bataillon de chasseurs alpins nous accueille au refuge, à 2 520 mètres d’altitude. Ils dormiront avec nous ce soir. Un verre de vin rouge et une franche rigolade plus tard, je suis dans mon duvet.
7h00, petit-déjeuner avalé, nous avons la montagne pour nous. On ouvre déjà la veste, il fait chaud. L’itinéraire commence par léger faux plat montant sur 3 kilomètres. On salue le grand Châtelard, la pointe de la Gorma nous domine, à gauche. Nous voilà au pied d’un grand entonnoir, voix d’accès à un couloir étroit de 200 mètres montant à la brèche de la Loza. On troque les skis pour les crampons et les piolets, on s’encorde. Plus que 250 mètres de D+ à gravir dans la combe à 30 – 35° et ce sera le sommet. Exposé sud, la neige se transforme vite, ça peut devenir dangereux. Arrivé en haut, le panorama s’étale à 360°, mais il faut déjà redescendre. Papy je te laisse là-haut, profiter de l’Italie et des Écrins, je dois y aller.
On chausse les skis et c’est parti. L’étroit couloir arrive, il va falloir faire des virages sautés. Xavier me montre. Je me lance… mais c’est plus difficile dans un couloir à 3 400 mètres que sur une piste noire de station ! Le couloir s’élargit peu à peu, la pente s’adoucit. On récupère quelques affaires au refuge et on poursuit. Arrivé en bas, Xavier met sa main sur mon épaule « Bon bah finalement, tu n’étais pas trop rouillé ! » Merci, Xavier. Tu parles, j’étais complètement cramé… mais infiniment fier et content d’avoir fait l’ascension de la dent Parrachée, pour mon grand-père.
La station d’Aussois, point de départ de cette ascension de la dent Parrachée en ski de randonnée, est facilement accessible par bus depuis Modane. Consultez les horaires des navettes qui évoluent selon les saisons. Modane se situe quant à elle à une heure de route depuis Chambéry ou en une vingtaine de minutes en train (sept trains par jour). Comptez cinq heures de TGV depuis Paris (neuf trains par jour) et 50 minutes depuis Lyon (cinq trains par jour). Attention : en haute saison, les prix peuvent rapidement grimper, mieux vaut réserver en avance. Le covoiturage ou le stop fonctionnent aussi très bien dans la région.
La bonne saison pour une ascension de la dent Parrachée en ski de randonnée se situe entre décembre et mai suivant les conditions d’enneigement. Cependant, ce sommet se fait tout au long de l’année, même en été. Plus physique et exigeant l’hiver, il devient plus accessible une fois la neige partie, mais vous prendrez un peu plus de temps à redescendre ! Renseignez-vous auprès des bureaux des guides.
En effectuant l’ascension de la dent Parrachée, vous aurez très certainement le plaisir de dormir une nuit au refuge de la Dent Parrachée et d’y rencontre Franck Buisson, le gardien, véritable personnage du parc de la Vanoise que nous avions eu la chance de cotoyer lors de notre Tour des Glaciers de la Vanoise, et d’interviewer dans notre quatorzième volume papier.
Malgré les quatre dortoirs et 42 places que compte le refuge en période de gardiennage (24 places hors période), pensez à réserver à l’avance. Si vous partez avec un guide, la nuitée et la demi-pension du guide seront à votre charge. Comptez 25 € par adulte et 12,50 € par guide, hors restauration.
Comme dans tous les refuges, respectez les règles de bienséance, emportez tous vos déchets et prévoyez du liquide ou un chéquier pour payer. Toute annulation de séjour en refuge doit être signalée au gardien, car outre vous héberger et vous restaurer, il veille à votre sécurité en montagne et peut être amené à déclencher des secours s’il n’est pas informé de votre annulation !
L’équipement est primordial pour une course de haute montagne. Il est important d’avoir un bon sac à dos (entre 20 et 40L) pour y mettre de l’eau, vos différentes tenues pour la montée et la descente, les crampons, les piolets, le casque, les lunettes de soleil, le masque et le duvet pour la nuit en refuge. Ne négligez pas le choix de votre sac à dos : un bon maintien proche du corps est essentiel pour être à l’aise sur ses skis dans les pentes raides.
Concernant les skis, chaussures et bâtons de rando, si vous n’en possédez pas, vous pouvez en louer dans un magasin de location à Aussois, comme Merlin Sport, en face des premières remontées mécaniques. Votre guide pourra également vous en prêter, renseignez-vous auprès de lui ou elle avant de partir. S’il s’agit de votre première fois en ski de randonnée et que le timing le permet, essayez-les avant sur les pistes et entraînez-vous à faire quelques conversions pour la montée et quelques virages pour la descente. Ça n’a rien de sorcier, mais il est toujours mieux de connaitre un minimum son matériel et ses propres capacités avant de se lancer.
Enfin, n’oubliez surtout pas le matériel de sécurité : la triade Arvo-pelle-sonde. Si vous disposez de votre propre matériel, veillez à ce qu’il soit fonctionnel et réviser régulièrement les méthodes d’utilisation. Sinon, votre guide vous le prêtera et vous expliquera tout ce qu’il y a à savoir. Ne vous surestimez pas !
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