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Chamonix et Zermatt. Deux noms qui parlent à tout alpiniste, et deux lieux qui peuvent être reliés par une randonnée glaciaire : la Haute Route Chamonix-Zermatt. Cet itinéraire mythique, réputé comme l’un des plus beaux au monde, se compose de longues journées, de rudes montées et de descentes tout aussi techniques, longeant glaciers et lacs, alpages et villages. Le tout entouré des plus hauts sommets des Alpes. Un spectacle grandiose, pour une aventure particulièrement exigeante dans laquelle se sont lancés Antoine et Marie, curieux de poser un nouveau regard sur les montagnes qu’ils affectionnent tant et respectent tout autant.
Inaugurée en 1861 par des membres de l’Alpine Club – le plus ancien club d’alpinisme – la Haute Route Chamonix-Zermatt relie, comme son nom l’indique, les deux capitales historiques de l’alpinisme, de la France à la Suisse. Historiquement, il s’agissait pour les alpinistes dont la pratique était en plein développement de passer d’un sommet à gravir à l’autre, au cours de leur saison estivale. En 1903, des membres de la Compagnie des Guides de Chamonix ouvrent un itinéraire hivernal en ski de randonnée.
La Haute Route, qui se parcourt généralement en cinq à sept jours, passe ainsi par quelques-uns des lieux les plus spectaculaires des Alpes, à travers des paysages tantôt verdoyants, tantôt minéraux, des cols à plus de 3 000 mètres et une ascension à 3 710 mètres, la tête Blanche. Le tout sous l’oeil de nombreux sommets de plus de 4 000 mètres : mont Blanc, Aiguille Verte, Grand Combin, Dent Blanche, Zinalrothorn, Dent d’Hérens et, pour finir en beauté, le Cervin. Parcourir la Haute Route Chamonix-Zermatt est aussi l’occasion de visiter des refuges emblématiques des Alpes, comme le refuge Albert Ier ou la cabane de Bertol.
À noter qu’il n’y a pas qu’une seule Haute Route, mais plusieurs variantes : la Haute Route classique en 7 étapes, aussi appelée « Haute Route des Alpes par les glaciers » (100 kilomètres), la Haute Route historique par le plateau du Couloir, la Haute Route intégrale par le Col du Grand Saint-Bernard, la Haute Route « à l’envers » au départ de Zermatt…
La Haute Route Chamonix-Zermatt à pied nécessite une bonne expérience en tant que randonneur, et une solide forme physique. L’itinéraire que nous suivons, de 100 kilomètres, est une randonnée de haute altitude considérée de niveau 4 sur 5. Chaque étape présente entre 800 et 1 400 mètres de dénivelé positif, soit 6 à 8 heures de marche quotidienne en moyenne. Une grande partie de l’itinéraire se fait hors sentier (moraine) et sur glacier. Il évolue donc constamment ! Un solide « sens de l’itinéraire », comme on dit en alpinisme, est nécessaire, tout comme les connaissances de base des techniques de haute montagne.
De notre côté, nous avions eu l’occasion de nous initier à l’alpinisme au travers d’un stage UCPA à Chamonix en 2021, durant lequel nous avions appris toutes les bases nécessaires pour partir à l’assaut de courses d’alpinisme faciles (marche avec crampons, pose d’un relai, manipulations de corde, bases de météo, nivologie, planification d’itinéraire, secours en crevasse, etc) au côté de notre guide, Raymond. Un enseignement salutaire, car si cette “course” peut paraître simple aux plus aguerris, c’était une première pour nous, et une étape majeure dans notre apprentissage de la montagne.
Notre aventure démarre à Châtel. Premier objectif : rejoindre Chamonix en stop, ou plutôt Vallorcine. Samedi, 9h, pouce levé. Deux heures et demi et cinq voitures plus tard, nous voici arrivés. On s’offre le luxe d’une montée en télécabine pour gagner un peu de temps sur l’itinéraire de la journée. Nous arrivons tranquillement au refuge Albert Ier vers 14h, où l’on s’installe rapidement avant de partir faire un tour sur le Glacier du Tour, qui a l’air bien triste en cette période de canicule. Au programme de l’après-midi : exercices pratiques de sauvetage en crevasse et rappels de toutes les techniques de base d’alpinisme et de randonnée glaciaire. En fin de journée nous repérons l’itinéraire du lendemain et discutons avec le gardien du refuge : compte tenu de la chaleur mieux vaut partir tôt. Le réveil sonnera à 3h00.
Départ aux aurores sous un beau ciel dégagé. Vingt minutes plus tard, Marie chute à la sortie du pierrier et se blesse au genou. Mauvais présage ? La douleur passée, on repart en direction de l’aiguille du Tour par le col supérieur. Au pied de l’aiguille, on enlève les crampons pour s’engager vers le sommet que l’on atteint à 7h15. La vue sur l’aiguille du Chardonnet, l’aiguille Verte et le mont Blanc est à couper le souffle.
Le premier objectif est atteint, il n’y a “plus qu’à” entamer la longue descente vers le glacier de Saleinaz et la cabane du même nom. Un glissement de terrain a avalé le sentier, 300 mètres au-dessus du glacier du Trient qui craque dans de grands bruits sourds entrecoupés de chutes de pierres… Après avoir crapahuté à quatre pattes dans les éboulis pour retrouver la trace, plonger nos pieds dans l’eau glacée près du refuge – que l’on atteint à 17h30 – est une délivrance.
Au menu du jour, de la rando ”classique”. On espère récupérer un peu. En commençant par 1 500 mètres de D- jusque Praz-le-fort, où l’on ressort le pouce pour rejoindre le fond du val de Bagnes et le lac artificiel de Mauvoisin (certaines variantes permettent d’éviter cette jonction motorisée en passant par la cabane de Valsorey). On monte jusqu’en haut du barrage par les tunnels bien frais. Le retour à la lumière du jour et les près de 30ºC extérieurs nous coupent les jambes. Un chemin longe le lac jusqu’au torrent qui l’alimente, où l’on bifurque pour monter dans les alpages de Chanrion et rejoindre la superbe cabane du même nom, juste à temps pour profiter de la fin d’après-midi et piquer une tête dans le lac pour se rafraîchir (autorisé, et recommandé par le gardien !).
Départ à 4h30 en direction de la Cabane des Vignettes. On compte quelques edelweiss avant de quitter le sentier pour remonter le torrent jusqu’au glacier d’Otemma. Le lever de soleil sur le mont Collon nous laisse sans voix. Au col de Charmotane, on remonte vers le col des Vignettes, et l’on arrive à la cabane des Vignettes en début d’après-midi. Selon la gardienne, le glacier du mont Colon est très crevassé. La veille, trois cordées sont revenues faute d’avoir trouvé “la sortie”. De plus, la météo risque de se dégrader en fin de journée… Mieux vaut éviter de se perdre au risque de devoir y passer la nuit. On réfléchit déjà à un plan B, mais d’autres cordées nous rassurent au dîner. Allez, ça va le faire !
3h30. Surprise : le radar annonce une petite tempête vers 9h00 au niveau du glacier du mont Collon, pile au moment où l’on pensait y être. Retour du plan B : redescendre le glacier de la Piece vers Arolla et remonter le vallon vers le bas du glacier d’Arolla et le plan Bertol. On en est presque soulagés que la météo nous évite l’itinéraire initial. La descente se passe sans encombre. On s’attaque au 1 400 mètres de D+ qui nous séparent encore de la cabane de Bertol. La dernière section de l’ascension est impressionnante.
Arrivés sur le glacier, on assiste à de nombreuses chutes de pierres. L’accès à la cabane perchée se fait par un enchainement d’échelles. Une fois le dernier barreau franchi on découvre une vue incroyable sur l’étendue glaciaire, surplombée par le Cervin et la Dent d’Hérens. Aucune cordée ayant emprunté l’itinéraire par le glacier du mont Colon n’atteint le refuge ce soir-là. On a fait le bon choix !
“L’étape royale” ! Départ à 4h00. On retrouve une série d’échelles pour arriver sur le glacier du mont Miné qui, il y a encore quelques années, arrivait à hauteur du refuge… Direction le sommet du jour : la Tête Blanche, point culminant du tracé. On profite du sommet pour faire un petite pause et jeter un œil au glacier du Stockji visiblement très crevassé. Le gardien du refuge nous avait prévenus : il vaut mieux contourner la première grande crevasse par la droite, puis serrer à gauche. Quelques cordées nous devancent. C’est rassurant.
La crevasse est immense : une centaine de mètres de long, une dizaine de large, et un trou qui parait sans fond. Un groupe d’alpinistes réalise l’itinéraire en sens inverse. On récolte quelques informations. On zigzague entre les crevasses, on en saute quelques-unes pour atteindre, enfin, le rocher du Stockji. Une cordée d’Anglais ayant pris un autre chemin nous explique avoir dû improviser un rappel pour passer un ressaut infranchissable. On a encore fait le bon choix ! La descente commence. Le début du sentier, un peu fuyant, nécessite un rappel d’une dizaine de mètres. On atteint la moraine du glacier de Schonbiel. Un dernier passage aérien nous mène au plateau herbeux sur lequel est posée la cabane de Schonbiel où nous attend une bonne bière avec vue sur la mythique face nord du Cervin…
C’est officiellement la fin. On se met en route pour Zermatt. Il n’y a “plus qu’à se laisser descendre” le long du sentier. C’est un belle journée, la température augmente à mesure que l’altitude diminue. On se retourne régulièrement pour admirer encore et encore la fameuse pointe “cassée” du Cervin, avant qu’elle ne disparaisse complètement… Zermatt, terminus ! Fierté et fatigue se mêlent alors que nous arpentons les ruelles. Le départ de Vallorcine paraît si loin. Il ne nous reste qu’à retourner à Châtel en stop pour boucler la boucle… et prendre une bonne douche !
Chamonix est facilement accessible en train. Ensuite, des bus font la navette jusqu’au Tour ou Vallorcine pour débuter l’itinéraire estival. Pour le retour, rendez-vous à la gare de Zermatt (passage obligatoire car la station n’est pas accessible en voiture), d’où vous pourrez rejoindre sans aucun problème de nombreuses destinations, le réseau de trains Suisse étant particulièrement bien développé. Sinon, le stop fonctionne aussi assez bien en montagne. C’est l’option que nous avons choisie : c’est aussi ça, l’aventure !
La meilleure saison pour arpenter la Haute Route Chamonix-Zermatt à pied est certainement l’été (mi-juin à mi-septembre), mais tout dépend bien sûr des conditions. En fonction de la neige et de la météo, l’automne peut aussi être une solution. Il faudra cependant faire attention à la fermeture des refuges (ouverts de mi-mars à septembre). En fin de printemps, il y a généralement encore trop de neige à cette altitude pour se lancer à pied, mais ça peut être l’occasion idéale pour faire la Haute Route en ski de randonnée.
L’itinéraire de la Haute Route Chamonix-Zermatt se parcourt de refuge en refuge. La solution idéale pour éviter de transporter tout le matériel de bivouac. De manière générale, les refuges sont assez confortables et récents. On y mange toujours très bien, surtout le soir avec le trio classique “soupe-plat-dessert” qui réchauffe ! Il est possible de prendre une option pique-nique pour le lendemain midi. Nous n’avons pas testé cette dernière, étant plutôt du genre snack et fruits secs pour le déjeuner. Mention spéciale pour les cabanes de Chanrion et des Vignettes, dont l’accueil des gardiens fût particulièrement agréable ! Pensez à réserver à l’avance, prévoyez de la monnaie et des boules Quies !
En partenariat avec
Auvergne Rhônes-Alpes Tourisme
Du sommet des Alpes, le mont Blanc (4 810 m), aux cratères de la chaîne des Puys, en passant par les champs de lavande ou une forêt de chênes tricentenaires, Auvergne-Rhône-Alpes est un immense terrain de jeu et d’émerveillement qui accueille les visiteurs pour toutes les activités de pleine nature : chemins de randonnée pour les sportifs ou sentiers à découvrir en famille, itinéraires vélo, spots à couper le souffle pour se jeter à l’eau ou dans les airs… ! Paradis des cyclistes, la région compte 14 véloroutes et voies vertes, de nombreux cols mythiques qui ont vu passer le Tour de France, ainsi que 6 grandes traversées VTT.
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