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Sur Terre, seuls 14 sommets culminent à plus de 8 000 mètres d’altitude. « L’altitude où volent les avions », disait Elisabeth Revol pour tenter de faire prendre la mesure au commun des mortels.
Que ce soit pour leur gloire personnelle ou pour y planter le drapeau de leur pays — souvent les deux—, les alpinistes sont partis à l’assaut de ces géants au début du XXème siècle. En 1950, l’exploit survient : une expédition française emmenée par Maurice Herzog parvient à se hisser au sommet de l’Annapurna I, ouvrant ainsi la porte aux plus hautes cimes du monde.
En janvier 2021, une équipe népalaise vient clore cette longue épopée en atteignant le point culminant du K2 dans sa version la plus intense : l’hivernale. Les 14 sommets de plus de 8000 mètres ont ainsi tous été gravis, en été comme en hiver.
Plonger dans les récits des premières ascensions de ces géants du monde, c’est revenir sur des exploits mythiques mais aussi des aventures humaines à l’issue parfois dramatiques.
Les 14 plus hauts sommets de plus de 8000 mètres se répartissent entre deux massifs d’Asie. 10 d’entre eux se trouvent dans l’immense Massif de l’Himalaya : l’Everest, le Nanga Parbat, le Dhaulagiri, l’Annapurna, le Cho Oyu, le Makalu, le Kangchenjunga, le Manaslu, le Lothse et le Shishapangma. Les quatre autres se situent dans le Karakoram : le K2, le Broad Peak, le Gasherbrum I et le Gasherbrum II. Graal ultime des alpinistes, les sommets de 8000 mètres ont longtemps résisté aux tentatives d’ascension.
En effet, c’est seulement à partir des années 1950 que les hommes réussissent à se hisser sur les plus hautes cimes de la planète. Ainsi, aujourd’hui seul 3 femmes et 40 hommes ont réussi l’ascension des 14 plus hauts sommets du monde.
L’Annapurna I est le dixième plus haut sommet du monde avec ses 8 091 mètres d’altitude. Situé au Népal dans la chaîne de l’Himalaya, il est le premier sommet de plus de 8000 mètres à avoir été gravi par l’humain. Cet exploit, qui survient le 3 juin 1950, est signé par une cordée tricolore, fière de retrouver au cœur de l’Himalaya un motif de fierté, après une guerre pénible dont la France se remet à peine.
L’ascension, emmenée par Maurice Herzog, débute le 23 mai dans un Népal aux frontières récemment ouvertes. Malgré la fatigue, le manque d’oxygène et la marche d’approche interminable à travers le pays, Maurice Herzog et Louis Lachenal atteignent le sommet le 3 juin 1950, non sans opposer la conception de Herzog — le pari mystique et patriotique de l’alpiniste amateur — et celle de Lachenal — la responsabilité et la prudence de l’alpiniste professionnel…
Mais l’histoire vire au cauchemar. Quand ils retrouvent Terray et Rébuffat, restés au dernier camp, ils sont à peine vivants. Il faut les descendre de toute urgence. Le groupe avance en pleine tempête, passe une nuit dans une crevasse avant d’être enseveli par une avalanche. Ils entrevoient la mort avant de se faire sauver, in extremis, par le reste de l’équipe. En définitive, il leur faudra encore un mois pour rentrer en France — quelques orteils et phalanges en moins — et être accueillis en héros, à Orly.
Cette ascension mythique a pourtant signé l’une des plus grandes controverses de l’alpinisme français. En effet, en 1951, Herzog publie « Annapurna, premier 8000« , dans lequel il s’arroge toute la gloire au détriment de ses partenaires. Ainsi, la polémique enflera au fil des décennies, jusqu’à ce que de nouveaux points de vue soient apportés par une nouvelle version des mémoires de Louis Lachenal et par le documentaire « Une affaire de cordée ».
L’Annapurna I est le seul 8 000 à avoir été conquis dès la première tentative, pourtant cette montagne reste la moins gravie et la plus dangereuse, avec un taux de mortalité de 32 %.
La première femme qui a réussi à atteindre son sommet est la Belge Ingrid Baeyens en 1991.
« Pourquoi gravir l’Everest ? » – « Parce qu’il est là. » Les célèbres mots de George Mallory résument la fascination qu’exerce le plus haut sommet du monde sur les êtres humains. Nul ne sait pourtant si l’alpiniste britannique l’a atteint avant de disparaître sur la face Nord en 1924.
Il faut donc attendre 1953 pour qu’une cordée pose officiellement le pied sur le plus haut des sommets à 8 849 mètres d’altitude. Cette année-là, l’ascension de l’Everest semble plus que jamais envisageable. En effet, une nouvelle voie d’accès est repérée sur la face Sud, côté Népal. Ainsi, une expédition britannique est mise sur pied avec 10 alpinistes, dont le Néo-zélandais Edmund Hillary, et 20 sherpas, menés par Tenzing Norgay, déjà monté jusqu’à 8 598 m en 1952.
Malgré une approche redoutable, l’équipe arrive au camp de base le 21 mai. Le binôme Evans et Bourdillon s’élance le 26, mais sans succès. Hillary et Norgay s’engagent 3 jours plus tard et atteignent le sommet sud. Là, la crête descend s’élève brutalement en une paroi rocheuse quasi verticale de 12 m, à quelques pas du véritable sommet. Hillary se hisse entre le rocheux et une crête de glace adjacente, surmontant le terrible obstacle, baptisé plus tard le ressaut Hillary.
Le duo atteint le toit du monde à 11h30. « Mes pensées allaient à Mallory et Irvine », écrira Hillary. « J’ai cherché autour de moi, dans l’espoir d’apercevoir un signe de leur arrivée au sommet, mais je n’ai rien vu. » Une chose est sûre : L’Everest était désormais conquis par l’Homme.
C’est seulement le 1er mai 1999, que le corps momifié de George Mallory est trouvé par Conrad Anker, 75 ans après sa disparition, à 8 290 m.
La première ascension féminine a été accomplie par Junko Tabei le 16 mai 1975. Néanmoins toutes ces ascensions ont nécessité le recours à l’oxygène et c’est Reinhold Messner qui a réussi la 1ère ascension en solitaire, sans assistance respiratoire en 1980.
La 1ère tentative d’ascension du Nanga Parbat, qui culmine à 8125 mètres, remonte à 1895. Albert F. Mummery signe alors la toute 1ère tentative d’ascension d’un 8 000 mais devient aussi la 1ère victime de la « montagne tueuse » qui emportera 31 vies avant de se laisser dompter par une expédition germano-autrichienne en 1953.
Cette année-là, les camps I à IV sont montés fin mai, mais les tentatives vers le sommet sont avortées car les chutes de neige sont trop importantes. Les semaines défilent. Finalement, le 30 juin, le chef Karl Herrligkoffer ordonne aux hommes de redescendre au camp de base en raison de la mousson qui approche. Mais l’Autrichien Hermann Buhl n’est pas de cet avis. Faisant fi des consignes, il parvient à monter le camp V avec Otto Kempter, le 2 juillet.
Buhl entame l’ascension à 1h du matin. Kempter lui emboîte le pas puis abandonne. À 19h, au prix d’un immense effort – et boosté par quelques doses de « stimulant » – il foule le sommet, seul. Le chapitre Nanga Parbat se clôt mais l’aventure de Buhl continue : surpris par la nuit, il bivouaque à plus de 8 000 m d’altitude, dans la « zone de la mort », sans aucun matériel. En définitive, il retrouve le camp V le lendemain, déshydraté, épuisé et avec de graves gelures aux pieds.
Cette incroyable performance n’est acclamée qu’à contre-cœur par les membres de l’expédition et Herrligkoffer car les ordres ont été bafoués. Qu’importe, Buhl signe une ascension mythique, saluée aujourd’hui comme un acte pionnier.
En 1970, Reinhold Messner et son frère Günther réalisent la 1ère ascension par le versant du Rupal, qui coûtera la vie à Günther- une histoire à découvrir dans Les Others Volume 11.
La 1ère ascension féminine a eu lieu un peu plus de 20 ans après cellle d’Hermann Bulh et a été réalisée par Liliane Barrard en 1984.
Le 26 janvier 2018, le Nanga Parbat est le théâtre d’un nouveau drame. Tomasz Mackiewicz et Élisabeth Revol sont en perdition après avoir atteint le sommet. La Française sera secourue mais le Polonais reste porté disparu – retrouvez le témoignage d’Élisabeth Revol dans Les Baladeurs EP28.
En ces années d’après-guerre, ceux qui plantent le drapeau national sur un sommet sont acclamés en héros. Les Italiens Lino Lacedelli et Achille Compagnoni le savent et sont prêts à tout pour connaître la gloire.
Ils font partie de l’expédition italienne qui part à la conquête du K2 en mai 54 et rêvent d’atteindre le sommet qui culmine à 8 611 mètres entre la Chine et le Pakistan. Différentes cordées s’épuisent tour à tour pendant 70 jours. Une histoire que vous avez déjà pu lire dans l’article « Les mythos des sommets » de notre 10e magazine. Le 30 juillet, Campagnoni et Lacedelli sont en tête. Au dernier camp, ils attendent le ravitaillement en oxygène indispensable à la réussite du lendemain.
Le jeune Walter Bonatti et Mahdi, un porteur pakistanais, sont donc chargés de la livraison. Bonatti a déjà montré un aperçu de son talent, Lacedelli et Compagnoni refusent de se faire voler la vedette. Ils ont un plan. Quand Bonatti et Madhi arrivent au point de rendez-vous avec leur précieux chargement, le camp est introuvable. Ils appellent leurs compagnons. Une réponse leur parvient des ténèbres : « Laissez l’oxygène et redescendez ! »
Par conséquent, Bonatti et Madhi sont condamnés à passer la nuit sans équipement à 8000m. Quand ils fuient finalement vers le bas au petit matin, les deux autres récupèrent l’oxygène et foncent vers le sommet. Mais Madhi et Bonatti ont survécu et la polémique éclate. Les « héros » se défendent en contre-attaquant : ils accusent Bonatti d’avoir volé l’oxygène.
Des années plus tard, les photos du sommet remontent à la surface : Compagnoni pose avec son masque à oxygène et les bouteilles aux pieds. Bonatti est enfin réhabilité mais l’affaire le hantera toute sa vie. Une histoire qui prouve encore que le milieu de la haute altitude n’est pas tout rose.
Le K2 est réputé pour être le sommet à plus de 8000 mètres le plus difficile à atteindre. La première femme à réussir son ascension est Wanda Rutkiewicz le 23 juin 1986. La première hivernale a quant à elle été réussi en 2021 par une équipe népalaise menée par Nims Dai.
La malédiction du K2 : les 5 premières femmes à avoir atteint le sommet ont toutes succombé à un accident mortel dans l’Himalaya.
Le 6ème plus haut sommet du monde trône à 8201 mètres d’altitude et serait le plus facile des 8 000. Mais en cette nuit d’octobre 1954, l’expédition autrichienne composée de Herbert Tichy, Pasang Dawa Lama & Joseph Joechler qui se voyait déjà au sommet de la « Déesse de Turquoise » a un avis bien différent sur la question.
En effet, la facilité avec laquelle les alpinistes ont enchainé les camps depuis le 29 septembre et surmonté l’obstacle majeur de la voie, une redoutables barre de séracs à 6 550 m, leur a fait croire à un succès facile. Cependant, un terrible vent d’Ouest s’est levé et réduit leurs tentes en lambeaux. Tichy sort précipitamment, mais il oublie de mettre ses gants et se retrouve les doigts gelés. En conséquence, il est contraint de redescendre au camp I. La prudence voudrait l’abandon mais Kathmandu est à 3 semaines de marche. Tichy préfère rester, se soigner et retenter l’aventure : le vent est tombé, le ciel dégagé.
C’est alors qu’arrive une équipe franco-suisse rencontrée au début du voyage. N’ayant pu gravir le Gaurishankar, ils viennent se mesurer au Cho Oyu. Surpris, eux aussi, de trouver l’équipe autrichienne qui avait caché leur projet d’ascension, ils restent fair-play et leur reconnaissent la « priorité ». Une ultime tentative leur est finalement accordée.
Pasang, Tichy et Joechler remontent fissa, creusent un igloo pour s’abriter du froid et, le 19 octobre 1954 à 15h, atteignent le plateau sommital. Une fois trouvé le point culminant de ce vaste dôme, ils offrent ainsi à l’Autriche leur 2ème victoire sur un 8 000, après l’ascension du Nanga Parbat par Hermann Buhl.
En 1959, la 1ère expédition 100% féminine dans l’Himalaya s’attaque au Cho Oyu mais échoue à 7 700 m.
L’expédition est l’une des 1ère laissant un vrai pouvoir de décision aux Sherpas.
C’est au Cho Oyu, en 1952, que Griffith Pugh met au point l’utilisation de l’oxygène qui permet la conquête de l’Everest l’année suivante.
Avril 1955. Le carré magique de l’alpinisme européen se présente au pied de la pyramide du Makalu, 5ème plus haut sommet du monde du haut de ses 8 485 mètres. Lionel Terray, Jean Couzy, Jean Franco et Guido Magnone sont déterminés, sur-entraînés, parfaitement équipés. Cette fois, c’est la bonne.
En effet,l’équipe franco-italienne n’en est pas à sa première tentative. L’année précédente, ils ont déjà atteint le col nord à 7 410 m, alors qu’une expédition américaine avait gravit l’arête sud-est jusqu’à 7 100 mètres et que les Britanniques menés par Hillary avaient pris la direction du col nord jusqu’à 6 500 m, avant de partir fouler pas moins de 25 sommets alentour.
L’expédition choisit d’escalader la périlleuse face nord par son arête nord-est avec un camp de base final à plus de 7 000 m. Un plan finement étudié qui s’avère payant : le 15 mai, Lionel Terray et Jean Couzy atteignent sans difficulté majeure le piton de neige glacée qui constitue le sommet. Ils sont suivis, les jours d’après, par tous les autres membres de l’expédition. Fait rarissime dans l’ascension d’un 8 000 !
Modestes, Franco et Terray furent eux-mêmes surpris par la facilité de l’ascension. « Au fond, nous avons été un peu déçus. Lorsqu’on considère les moyens qui étaient à notre disposition et la chance qui ne nous a pas quittés, nous aurions volontiers affronté un adversaire plus coriace. »
Enfin -, avec cette ascension, Franco, Terray, Couzy et Magnon entrent dans le tableau des alpinistes pionniers ayant gravi les 5 plus hauts sommets du monde, « The world’s five ».
Seulement 10 jours plus tard, un autre 8 000 tombera…
Le 18 mai 1990, l’Américaine Kitty Calhoun-Grissom est la 1ère femme à atteindre le sommet.
En 2006, Jean-Christophe Lafaille y est porté disparu en tentant la 1ère hivernale en solitaire, dans le cadre de sa conquête des quatorze 8000. Le Makalu était son douzième…
Le Kangchenjunga est plus qu’une montagne : c’est toute un chaîne, formée par 5 sommets, les « 5 trésors des neiges ».
Depuis le XIXe siècle, il fait l’objet de nombreuses tentatives, car il a longtemps été considéré comme le plus haut sommet du monde — il n’est en fait « que » le 3ème, culminant à 8 586 mètres d’altitude entre le Népal et l’Inde. Flanqué de glaciers impraticables et en proie à des chutes de neige et des avalanches immenses, il mérite cependant largement le trio de tête. L’expédition britannique qui se lance en 1955 s’en rendra compte : ses membres ont compté jusqu’à 48 avalanches en 3 heures !
À cette époque, personne n’avait dépassé les 6 400 m. Ainsi, l’équipe de Charles Evans n’est officiellement là qu’en mission de reconnaissance. Pourtant, après 15 jours d’approche, une section d’escalade de glace des plus ardues et divers changements de plan, les conditions s’améliorent. Les hommes atteignent « the Great Shelf », but de l’expédition, le 13 mai. D’ici, la voie d’accès au sommet se dessine clairement. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?
Le camp 5 est établi à plus de 7 600 m. George Band et Joe Brown sont désignés pour le sommet. À 23 ans, le 1er était le plus jeune membre de l’expédition de l’Everest, en 1953. Le second, modeste plombier, est aussi l’un des grimpeurs britanniques les plus prometteurs de sa génération. Ils atteignent le sommet sans encombre le 25 mai. Enfin, pas vraiment : ils s’arrêtent 2 mètres avant le sommet, afin de respecter son caractère sacré, comme ils l’ont promis aux communautés locales. Une première !
Pour l’anecdote, Joe Brown avait emporté 5 cigarettes avec lui, qu’il a tranquillement fumé dans la petite tente qu’il partageait avec George Band, à plus de 8 200 mètres, la veille du sommet.
43 ans plus tard, le 1er décembre 1998, Ginette Harrison signe la 1ère ascension féminine par le versant nord.
Kangchenjunga est aussi le nom du Boeing 707-437 d’Air India qui s’est écrasé sur le mont Blanc le 24 janvier 1966.
9 mai 1956 : le sirdar — chef militaire — népalais Gyalzen Norbu et l’himalayiste japonais Toshio Imanishi se dressent8 163 mètres, sur le 8e plus haut sommet du monde. Le Japon entre ainsi dans le cénacle des nations, jusque-là toutes occidentales, à conquérir un 8 000.
Ils n’en sont pas à leur coup d’essai. Leur tentative de 1953 s’était soldée par un abandon à 7 750 m. Mais Kantung, la déesse de la montagne, émue par cette audace, avait déclenchée une avalanche emportant le monastère de Sama, ultime village et passage obligé avant le camp de base. Ainsi, quand les Japonais reviennent en 1954, ils doivent battre en retraite face à la colère des habitants.
En 1956, les voilà de retour après de longues négociations avec les villageois de Sama. L’expédition, menée par le plus célèbre alpiniste japonais de l’époque, Yuko Maki, ne planifie que 6 camps avant l’assaut final, mené par Toshio Imanishi et Gyalzen Norbu.
9 mai, camp 6, – 22°. Conditions idéales. Réveil à 5h30, départ à 8h00. Le plateau sommital traversé, un passage plus raide demande de tailler des marches. Exercice éprouvant à cette altitude. Ils remontent une arête ourlée d’une corniche traîtresse, se croient arrivés… mais devront encore descendre dans un couloir, planter un piton pour s’assurer et gravir les derniers mètres pour atteindre, à 12h30, le sommet.
Après l’exploit, le Manaslu retombe dans sa solitude… pour la plus grande joie des habitants de Sama.
Un an avant cette ascension, Gyalzen Norbu foulait la cime du Makalu, le lendemain de l’ascension victorieuse de Lionel Terray et Jean Couzy. Deux 8 000 en 12 mois : c’est alors un record.
En 1974, les japonaises menées par Kyoko Sato signent la 1ère ascension féminine, et par la même occasion, la 1ère ascension féminine d’un 8 000.
Avec ces 8 516 mètres, le Lhoste est surnommé le « petit » frère de l’Everest car ils se touchent et une partie de la voie normale de l’Everest emprunte la face du Lhotse pour atteindre le col sud. D’ailleurs, l’équipe suisse qui se lance à l’assaut du « petit » en 1956 avait avant tout pour but d’atteindre le toit du monde, dont elle signe la seconde ascension mondiale.
L’expédition compte 8 alpinistes, un médecin, un géologue et un glaciologue. Les deux derniers servant de faire-valoir devant les autorités locales, réfractaires à donner des permis d’ascension à des étrangers avides de gloires nationales sur leurs sommets. L’argument scientifique fait mouche et l’équipe atteint sans encombre le pied de la montagne. Les choses avaient pourtant mal commencé : en chemin, Fritz Luchsinger avait contracté une appendicite aiguë. Ils envisagent une opération sauvage, avant que l’armée suisse ne parachute des médicaments suffisants pour éviter la chirurgie.
Après ça, rien ne peut plus arrêter Fritz Luchsinger : le 1er mai, il est parmi les prétendants au sommet. L’équipe avance, bien que ralentie par une série de tempêtes. Le 17 mai, Ernst Reiss et Fritz Luchsinger occupent le camp VI. Après une nuit à moins 25°C, ils passent à l’attaque du sommet qu’ils atteignent finalement 6 heures plus tard. Ils signent ainsi la première victoire suisse sur un 8 000.
Si cette ascension par la face nord-ouest s’est déroulée sans encombre, c’est la face sud du Lhotse qui donnera du fil à retordre aux plus grandes stars de l’alpinisme des années 80. Ainsi, le grand Reinhold Messner la qualifiera de « dernier grand problème de l’Himalaya »…
En 1990, le slovène Tomo Cesen aurait réussi l’ascension en solo de la face Sud. Trop beau pour être vrai ? Une histoire controversée à retrouver dans Les Others Volume 10.
En 1996, la française Chantal Mauduit est la 1ère femme à gravir Lhoste.
En 2018, Hilaree Nelson et Jim Morrison signent la première descente intégrale à skis du Lhotse. Le film « Lhotse » retrace leur aventure.
Plus petit 8 000 du massif du Karakoram et 13ème plus haut sommet du monde avec ses 8035 mètres, le Gasherbrum II est une magnifique pyramide dont le nom signifie « belle montagne ».
Belle certes, mais sauvage. En 1956, l’expédition autrichienne emmenée par Fritz Moravec et Hans Willenpart monte le camp I à 6 005 mètres, mais une tempête les force à battre en retraite. Cette malédiction était finalement un coup de chance : quand ils reviennent, ils trouvent la majeure partie de leur matériel et réserves ensevelis sous une avalanche.
Pas de quoi les arrêter. L’ascension sera légère, rapide et efficace. Le 6 juillet, le camp 3 est monté. Les conditions sont bonnes et les températures étonnamment supportables : après une nuit à 7 700 mètres en simples « bivy bags » (sur-sacs de couchage) ils atteignent le sommet à 11h30, le 4 juillet. Là-haut, ils ont si « chaud » qu’ils en tombent les parkas ! Une première à cette altitude.
La présence de Moravec au sommet fut un temps questionnée car l’alpiniste n’apparaissant pas sur les clichés. Il y a pourtant laissé sa trace : un petit médaillon offert par sa mère durant la guerre, placé dans une boîte de pellicule photo enveloppée d’un drapeau autrichien…
En 1984, Reinhold Messner et Hans Kammerlander traversent le Gasherbrum I et le Gasherbrum II sans retourner au camp de base. En 2008, Elisabeth Revol surenchérit en enchainant Broad Peak – Gasherbrum II – Gasherbrum I en solitaire, sans oxygène, en 16 jours.
Il s’agit du 8 000 le plus gravi du Karakoram avec près d’un millier de summiters.
En 2011, Denis Urubko, Simone Moro et Cory Richards signent la première hivernale mais sont pris dans une avalanche à la descente. L’auto-portait pris par Corey Richards après s’en être extrait est devenu mythique. Le film « Cold » retrace leur exploit.
Si la 1ère ascension du Broad Peak est moins connue que celle de son voisin le K2, elle est pourtant exceptionnelle à plus d’un titre.
En 1957 c’est le gratin de l’alpinisme autrichien qui se lance à sa conquête et qui tente d’atteindre le sommet à 8047 mètres : Fritz Wintersteller, Kurt Diemberger, Marcus Schmuck et surtout Hermann Buhl qui a escaladé le Nanga Parbat en solo, en 1953. En effet, loin d’être rassasié, il entend venir à bout du Broad Peak avec une petite expédition, un équipement léger, sans porteurs au-dessus du camp de base et sans oxygène. Les prémisses de ce qui deviendra le pur « style alpin ».
Le 28 mai, ils installent un dernier camp d’altitude à 7 000 m et s’attaquent à l’éperon ouest le lendemain. Vers 18h, Diemberger et Wintersteller pensent avoir atteint la cime, mais la brume se lève soudainement et dévoile un autre sommet, plus haut, à une heure environ. Trop loin, trop tard. Il faut redescendre, si près du but… et attendre le 7 juin pour lancer un nouvel assaut. Le froid oblige Buhl, dont les orteils ont beaucoup souffert au Nanga Parbat, à s’arrêter fréquemment. Sa cordée prend du retard sur celle de Wintersteller et Schmuck qui seront les 1ers au sommet. C’est la 4ème victoire autrichienne sur un 8 000. Un record inégalé.
Buhl devient le 2ème homme, après le sherpa Gyaltsen Norbu, à avoir gravi deux 8 000 et le 1er à signer 2 premières. Un exploit dont il profitera peu puisqu’il disparait quelques jours plus tard, en tentant l’ascension du Chogolisa voisin…
Sur la montagne, ils trouvent du lard, du salami et de la liqueur laissés par des Italiens des années plus tôt.
Krystyna Palmowska signe la première féminine en 1983.
En 2013, Berbeka, Bielecki, TKowalski et Małek réalisent la 1ère hivernale, mais seulement 2 d’entre eux rentrent au camp…
Le Gasherbrum I qui culmine à 8 068 mètres aurait bien pu être le tout premier 8 000 conquis par l’Homme… et la France.
En 1936, la première expédition française dans le Karakoram est en route. Objectif : conquérir un 8 000 et affirmer la présence de l’alpinisme tricolore en Himalaya. En effet, les français font pâle figure face aux Allemands, Italiens et Britanniques qui se rapprochent peu à peu des sommets de l’Everest, du K2 et du Nanga Parbat. L’expédition est un échec. Toutefois, Pierre Allain et Jean Leininger parviennent tout de même à 7 100 m avant d’être bloqués par la tempête.
Il faut finalement attendre 1958 pour que le Gasherbrum I, aussi appelé Hidden Peak en raison de son éloignement, soit vaincu. Non pas par des Français, mais par des Américains qui atteignent le camp de base en juin, paquets de Camel en poche et Stetsons sur la tête. Ainsi, le 5 juillet, après une ascension épuisante, Andy Kauffman et Pete Schoening prennent contact avec le reste de leur équipe grâce à un miroir : ils sont au sommet, marquant l’unique première américaine sur un 8 000.
Une victoire de justesse, puisqu’en octobre 1958, après un coup d’État, le Pakistan ferme ses frontières. En effet, les alpinistes ne pourront revenir sur ces pentes qu’en 1975. Cette année-là, Marc Batard et Yannick Seigneur prendront la revanche française, à l’occasion d’une expédition meurtrière…
C’est sur la Gasherbrum I que Reinhold Messner et Peter Habeler signent la toute première « vraie » ascension en « pur style alpin » d’un 8 000, en 1975. Effectivement, contrairement à Buhl sur le Broad Peak, ils n’ont pas utilisé de cordes fixes.
Le Gasherbrum I est l’un des 8 000 les moins populaires, avec moins de 200 ascensions au compteur.
En 2008, Elisabeth Revol réalise le triplé Broad Peak – Gasherbrum II – Gasherbrum I en solitaire sans oxygène en 16 jours. C’est la 1ère fois qu’une femme réalise trois 8 000 de cette manière (expédition Himalaya Light).
Le Dhaulagiri fut longtemps considéré comme un sommet inaccessible, voire maudit. Envisagé par l’expédition française en Himalaya à la recherche d’un 8 000 à gravir en 1950, le 7ème plus haut sommet du monde avait finalement été délaissé, après plusieurs échecs, au profit de l’Annapurna voisin jugé plus accessible.
Alors que (presque) tous les 8 000 tombent, le Dhaulagiri résiste. Célèbre pour la rudesse de son climat, le massif est quotidiennement frappé par les tempêtes et les avalanches. Suisses, Argentins, Allemands, Autrichiens… rien n’y fait.
Il faut attendre 1960 pour qu’une équipe internationale atteigne le sommet. Sans oxygène : les bouteilles prévues ayant fui pendant le transport… Treize hommes, un vendredi 13, venaient à bout du 13ème 8 000. La chance était tout de même de leur côté.
Cette ascension marque une autre 1ère : l’utilisation d’un avion pour transporter du matériel et des membres de l’équipe. Cependant, cette utilisation leur vaut de vives critiques. Le Pilatus, baptisé Yéti, réussit le plus haut atterrissage du monde, à 5 700 m. Cependant, il se crash quelques jours plus tard. Coup du sort ? Les pilotes s’en sortirent miraculeusement. Quant aux morceaux de la carcasse du Yeti, ils offriront à bon nombre de jolis souvenirs du Dhaulagiri.
Lut Vivijs est la 1ère femme au sommet en 1982.
En 1985, J. Kukuczka et A. Czok réussissent la 1ère hivernale. Toutefois, elle est revendiquée en 1982 par A.Koizumi et Wangdu bien qu’il aient atteint le sommet un 13 décembre. Une 1ère automnale, donc.
Le Dhaulagiri a emporté 2 héroïnes de l’alpinisme, ayant signé plusieurs 1ère féminines sur des 8 000 : Chantal Mauduit en 1998 et Ginette Harrison en 1999.
2 mai 1964. Le Shishapangma, qui culmine à 8 027 mètres, est conquis. La course aux 8 000 connait son épilogue, 14 ans après la victoire de Herzog et Lachenal à l’Annapurna I. Mais l’ascension du plus petit des 8 000 est pour le moins controversée.
Le Shishapangma est au Tibet, annexé par la Chine en 1949. Occidentaux, circulez : y’a rien à voir. Le régime de Mao compte redorer son blason après que son Cho Oyu a été conquis par des Autrichiens clandestins et que la Manaslu a vu des Japonais sur son sommet.
Une expédition démesurée de 195 membres est lancée. Un itinéraire sans grandes difficultés est tracé dans la combe nord-ouest et sur l’éperon est. Ici, pas de Sherpa. 49 grimpeurs se relaient pour faire la trace et les portages. Après des semaines d’allers-retours, le camp VI est posé à 7 700 m. Retour au camp de base dans l’attente d’une fenêtre météo. Finalement, le 25 avril, l’équipe entonne l’hymne national devant un buste de Mao à monter au sommet. Treize alpinistes s’élancent. Le 2 mai, c’est fait. L’honneur est sauf. Oui, mais…
Dans le compte rendu d’expédition, l’altitude indiquée est 8 013m. Or, un sommet plus élevé se dresse plus loin au bout d’une arête effilée. Les “vainqueurs” ne s’étendent guère sur cette portion. Le doute est permis : l’ont-ils parcouru ? Doug Scott, himalayiste anglais, est formel quand il revient du sommet Est, le « vrai » sommet. En 1982 : les Chinois se sont arrêtés à l’antécime Ouest. Ils n’étaient donc pas réellement au sommet.
En 1981, Junko Tabei est la 1ère femme au sommet.
Jean-Christophe Lafaille réussit, le 11 décembre 2004, la 1ère « hivernale ». Elle fait polémique. En effet, ne ascension est « hivernale » que si le sommet est atteint entre le 21 décembre et le 21 mars.
En 2011, Ueli Steck établit un record d’ascension de la face sud en 10h30 mais cette ascension fait encore polémique. Sa caméra a gelé, il n’a aucune preuve. Retrouvez toute l’histoire dans Les Others Volume 10.
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