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Vous avez déjà dormi au sommet d’un pic rocheux accessible uniquement en escaladant ? Traversé une forêt et des sentiers de cailloux pieds nus ? Ou bien vous êtes fait charger par une horde d’animaux sauvages ?
Voilà comment Raphaël nous a raconté son aventure. Avec quelques potes, il est parti à l’assaut du mont Aiguille, une dent rocheuse émergeant à 2 085 mètres d’altitude au milieu des forêts touffues du Vercors, pour un week-end de grimpe entre les étoiles et les bouquetins.
Nous sommes le 15 août. Le jour idéal pour se faire une petite varappe dans le Vercors. C’est la pause dont j’avais besoin au milieu de ma saison infernale des mariages : la photo j’adore ça mais là ça deviens l’usine donc autant aller prendre l’aire et me dérouiller un peu dans un cadre montagneux pour me ressourcer et me faire plaisir avec des beaux clichés. Nous avons donc pris la direction du Vercors à cinq (Jojo, Beber, Paulo, Philippe et moi) pour suivre le plan suivant :
Grimper le Mont Aiguille, y passer la nuit et redescendre le lendemain matin en rappel après un beau lever de soleil.
Et c’est parti, nous voilà parés de tout notre attirail après quatre heures de route, prêts à rejoindre le pied des parois de notre bivouac de ce soir, les sacs remplis de saucissons, de mousquetons et de Ricard. Le chemin est un tableau merveilleux où se dessinent les crêtes des monts voisins pris d’assaut par des légions de conifères bien rangés mais qui semblent incapables d’en atteindre les sommets.
On se met en route mais les premiers pas sont durs, je n’ai pas l’habitude de marcher avec des grosses chaussures aussi raides. Faut jamais écouter les potes, faut écouter son instinct parfois, une paire de converses ça m’aurait largement suffit… C’est après l’apparition d’ampoules sur mes deux talons au bout de 300 mètres de marche (et ce n’est pas une blague) que je finis le chemin pieds nus. Croyez moi ou non, j’ai cavalé comme un cabri.
Enfin arrivés au pied de notre géant de pierre, après quelques deux heures de marches, nous nous encordons et mettons les casques, quand soudain j’entends juste à côté de moi le bruit d’une grosse Harley Davidson. Pas de route à moins de 10 kilomètres à la ronde pourtant… C’était en fait le bruit d’un caillou qui roulait dans l’air et qui arrivait à vive allure depuis le sommet. Avant, je croyais que les casques c’était au cas où on tombait, si une corde lâchait ou n’importe quelle situation dans le genre ! Maintenant, je sais à quoi ça sert vraiment. Juste avant de faire nos premiers pas nous croisons un groupe de grimpeurs qui venait tout juste de redescendre. Nous nous saluons et l’un d’entre eux nous lance un « Bon bricolage ! » juste avant de disparaitre. On n’a pas compris… Ça doit vouloir dire « Bonne grimpe ! »… qui sait.
La véritable ascension commence. Nous sommes encordés en deux groupes, un de trois et un de deux. Ce n’est pas le top de la sécurité, mais ça aurait été trop long d’ouvrir une voie en tête et de passer les uns après les autres. On passe par la voie la plus facile. Le risque est limité. En pleine montée, l’un de nous éclate de rire. On se retourne tous vers lui et il nous explique qu’il vient de comprendre pourquoi le type avait dit « Bon bricolage » : c’était à cause du casque de chantier que porte Beber.
Et il n’est pas de trop : c’est une vrai plus de météorites que nous évitons cependant durant notre montée : une chute de pierre toute les dix minutes environ. Et ça crie « PIERRE » à tir larigot, et ça répond « PREJENT » à chaque fois en se croyant drôle (vous l’avez ?). En tout cas, on se demande bien qui est l’empoté au dessus de nous qui ne sait pas faire attention où il pose le pied.
Après quatre heures de montée, on atteint le sommet : un plateau allongé d’environ 900 mètres de long et 130 de large.
L’un de nos amis nous apprend que le seul homme qui a posé le pied sur ce sommet sans escalader était un aviateur qui a fait le pari fou de poser son avion en atterrissant dans le sens de la largeur… soit une piste d’atterrissage de moins de 130 mètres.
Nous posons nos sacs dans un rond de cailloux montés les uns sur les autres où on installe le bivouac avant de traverser le plateau en large et en travers pour trouver le meilleur point d’observation. Là, nous faisons une rencontre des plus inattendues : un troupeau de bouquetins. Ils sont peu craintifs et on peut les approcher facilement. Mais pas de trop non plus. On réalise alors que l’empoté qui nous balançait de pierres à la mouille… c’était eux !
Quand juste à ce moment, un avion surgit en rase-motte de sous la falaise et effraie les bêtes : c’est la débandade ! Le troupeau nous fonce dessus à toute allure pour fuir le grand oiseau de fer qui vient troubler sa tranquillité. C’est un spectacle impressionnant. C’est beau, mais peu rassurant. Mais nous sommes saufs, les bouquetins ont aussi peur de nous et changent leur trajectoire.
Après avoir observé les merveilleux paysages et le panorama qui nous entourent, nous retournons au bivouac pour préparer le dîner et reprendre des forces tout en contemplant le couché du soleil, suivi de l’apparition des étoiles. C’est l’une des meilleures nuits de l’année pour regarder les étoiles filantes et le lieu d’observation est idéal. Mais les paupières sont trop lourdes pour la plupart d’entre nous et quelques secondes après notre coucher, on entend déjà les premiers ronflements.
Béni sois-tu, toi, celui qui dort ! Moi, j’ai beaucoup trop froid…
Aux premières lueurs du jour, on se réveille sans trop de difficultés mais les paupières bien gonflées. Nous nous hâtons d’aller accueillir et souhaiter une belle journée à celui qui arrive pour nous réchauffer et nous illuminer. On ne se lasse jamais d’un lever de soleil, c’est fou ! Et c’est si rare dans ces conditions. Que la nature est belle ! Rappelons-nous de la préserver.
Petit-déjeuner englouti et baudrier enfilé, on rejoint la paroi pour le rappel, qui nous rappelle que c’est déjà fini. Après avoir profité du voyage et avoir chatouillé les nuages, il faut toujours redescendre pour s’en aller retrouver nos activités et la course infinie du temps qui avançait pourtant très bien sans nous.
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