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Dans notre sixième volume papier, on faisait la part belle à la micro-aventure : cette expérience courte et intense, qui vise à nous offrir une déconnexion complète le temps d’un week-end.
Pour débuter l’année sur une bonne note, on a décidé d’embrasser le concept à nouveau en partant en rando à l’assaut d’une cabane minuscule perchée sur une crête des Hauts-Plateaux du Vercors. Notre équipement : une carte, une boussole et les dernières vestes de Volcom, partenaire de cette aventure.
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On claque le coffre de la voiture, à l’entrée de la forêt. L’année dernière, on empruntait ce chemin raquettes sur le dos avec une équipe de 12 personnes pour découvrir la région. Cette fois, on n’est que trois — Nicolas, Damien et moi —, avec un itinéraire et un matériel différent. L’objectif est d’atteindre la cabane des Aiguillettes, une petite cabane non gardée de quelques mètres carrés posée sur une crête à 1 880 mètres, en skis de rando nordique, pour passer le premier week-end de l’année en pleine nature. Alors qu’on est prêts à partir pour cette rando sur les Hauts-Plateaux du Vercors, un groupe redescend déjà de sa sortie du jour.
Ah oui ! Petits détails qui auront leur importance par la suite : on a prévu de se servir principalement d’une carte et d’une boussole, et de finir le parcours de nuit, à la frontale. Si vous voyez où je veux en venir…
Après une petite marche d’approche sur le chemin forestier, on chausse les skis. Les conditions ne sont pas idéales : il fait gris, le brouillard est épais et la neige n’est pas tombée depuis longtemps. Ce qu’il en reste s’apparente plutôt à de la glace, mais on ne va pas se décourager pour autant. On fixe les peaux pour monter tranquillement en direction de la maison forestière de Pré Grandu, porte d’entrée de notre rando dans les Hauts-Plateaux du Vercors. La réserve naturelle des Hauts-Plateaux du Vercors s’étend sur 17 000 hectares, soit 10 % du territoire du Parc naturel régional du Vercors. Elle est aujourd’hui la plus vaste réserve terrestre de France métropolitaine et abrite une faune et une flore des plus diverses. Avec un peu de chance, on devrait pouvoir entendre des loups.
Au Pré Grandu, on dégaine carte et boussole pour fixer notre premier cap. À partir d’ici, on a entre trois et quatre heures de rando dans les Hauts-Plateaux du Vercors. Le soleil se couchant à 17 heures, le calcul est vite fait : on aura une bonne heure de parcours à la frontale. Notre journée se décompose en trois étapes : du Pré Grandu à la baraque de Gerland, de la baraque de Gerland à la Grande Cabane, puis de la Grande Cabane à la cabane des Aiguillettes. La première est assez classique, c’est quasiment tout droit et déjà tracé. Ça monte un peu, ce qui nous permet de se mettre en jambes pour la suite de l’aventure.
On arrive à la cabane de Gerland. On déballe quelques barres de céréales et on repasse par l’étape carte et boussole. Cette fois, c’est un peu plus compliqué. Le chemin part tout droit, mais à la moitié, il trace un arc de cercle à travers la forêt. Sur les plateaux, mieux vaut viser juste pour éviter de tourner en rond. Heureusement, le Grand Veymont, au loin, nous guide. Nous n’avons qu’à le suivre.
Nous voilà sur un grand plateau. Les traces se font de plus en plus rares. Parfois, elles se séparent. Le cap de la boussole nous force à dessiner les nôtres à travers les sapins. Pour ceux qui n’ont jamais mis les pieds sur les Hauts-Plateaux, imaginez un champ de bosses de neige glacée, parsemé de sapins — de pins sylvestre pour être précis — espacés de quatre ou cinq mètres les uns des autres. Devant, des sapins, derrière des sapins, sur les côtés…. des sapins. Les guides et les habitants des alentours le savent : nombreux sont les randonneurs qui s’égarent dans ce labyrinthe. On nous l’a encore dit avant de partir. Et avec le brouillard qui nous entoure aujourd’hui…
Le ciel commence à s’assombrir. D’ici trente minutes, le soleil nous aura faussé compagnie. Il n’y a plus de trace ici, hormis celles laissées par les loups, qui s’étendent de sapin en sapin. Pourquoi n’avons-nous toujours pas atteint la Grande Cabane ? Ça fait bien trop longtemps qu’on avance dans cette forêt pour être sur la bonne voie. Jauger les distances dans un tel environnement relève de l’impossible. On garde confiance en la boussole. La vaste étendue dégagée au milieu de laquelle la Grande Cabane est censée se trouver ne devrait plus être très loin.
La nuit est tombée. Les frontales allumées. On est encore au milieu des sapins, sans aucune nouvelle de cette cabane. Fallait-il prendre à gauche il y a trente minutes, quand on a hésité avant de franchir le fossé ? Doit-on revenir sur nos pas ? Est-ce qu’on en serait capables d’ailleurs ? Je crois qu’on peut le dire clairement : on est perdus. À cette heure-là, on devrait toucher notre objectif du jour. Et on n’a même pas atteint le deuxième checkpoint.
Après avoir étudié les différentes options, on décide qu’il est temps de cheater, ou de se préparer à dormir sous un sapin. On sort le GPS pour découvrir notre position. Petit aparté : il n’y a aucun réseau sur les Hauts-Plateaux. Si vous vous y aventurez, pensez-bien à télécharger les cartes en amont, pour pouvoir les consulter hors-connexion. Le GPS est clair : on est sur le bon chemin, mais encore bien loin du compte. Difficile d’expliquer ce qu’il s’est passé, on a dû faire un détour incroyable. Fini les arcs de cercle, on vise maintenant droit vers notre objectif.
Ça y est ! On a enfin trouvé cette cabane. On profite du petit préau pour faire une vraie pause, avaler une nouvelle barre de céréale et siroter nos gourdes gelées. La nuit est d’encre et le froid glacial. Le vent s’est levé et la température affiche au moins dix degrés en dessous de 0°C. Si on ne le sent pas lorsqu’on est en mouvement, enlever ses gants quelques minutes pour manier la boussole ramène rapidement à la raison. Bref, on est soulagés. Finalement, jusqu’ici tout va bien. Il ne reste qu’une étape, on devrait pouvoir être à bon port d’ici une heure, une heure trente. Rarement un conditionnel n’a si bien été utilisé.
Mais qu’est-ce qu’on a foutu ? Dans le noir, on n’a pu compter sur aucune trace visible. Nos frontales éclairent au mieux à quelques mètres devant nous. Plutôt que de contourner sagement la forêt, on s’est enfoncés en plein dedans pour tenter de rattraper notre retard. L’année dernière, sur ces mêmes plateaux, notre guide Damien nous avait pourtant prévenu : « L’aventure commence quand quelqu’un dit : je connais un raccourci ». On dirait qu’on va en faire les frais de la meilleure des manières. Check GPS. Cette fois, on est complètement hors sujet. On a tiré à droite. Une petite imprécision de boussole, due à la précipitation, peut coûter cher. Encore une fois, on va devoir viser tout droit vers notre ligne d’arrivée, alors que ça commence à grimper sec.
On a déjà l’impression d’avoir avalé trois fois les 200 mètres de dénivelé prévus. Le vent a chassé les nuages et on profite d’une nuit étoilée magnifique, qui nous permet de discerner la crête au loin. Bien trop loin d’ailleurs, vu qu’on devrait déjà être dessus. Ça continue de monter assez fort. On tire des diagonales et tous les cinquante mètres, on fait face à un obstacle. Des rochers, des fossés, des sapins épais. On choisit de toujours les contourner par le haut. De toute façon, la descente est devenue trop verglacée. Assez vite, on se résout à déchausser pour grimper à pied.
On n’a toujours pas rechaussé. Plus on monte, plus c’est raide. Bâtons dans le dos, on plante nos skis pour se hisser, tout en taillant les marches en frappant la pointe de nos chaussures dans la pente glacée. Devant moi, Nico et Damien, coureurs bien entrainés, ont encore du souffle. De mon côté, ça commence à devenir difficile. Note pour moi-même : c’est bien beau l’escalade, mais il va falloir faire davantage de cardio. J’aperçois toujours les lueurs de leurs frontales et essaie de suivre le rythme. La neige vraiment affreuse et le vent qui souffle en bourrasques nous obligent à nous arrêter régulièrement. Il serait plutôt malvenu de basculer dans la pente.
Désormais, on navigue entièrement au GPS. Le point ne bouge pas sur la carte. Pourtant, on fait beaucoup d’efforts pour avancer. Le téléphone glacé semble indiquer des directions opposées en fonction de sa position. Si ça se trouve, on vise carrément à l’opposé ! Assis dans la neige, l’éventualité de dormir sous un sapin revient sur le tapis. Avec les branches mortes on pourra facilement parer le vent, et nos duvets -5°C nous tiendront chaud. Au final, il ne devrait pas faire beaucoup plus froid que dans cette cabane, qui ne possède pas le poêle. Mais on repart rapidement, toujours vers le haut, pour éviter de prendre froid. On finira bien par atteindre la crête un jour ou l’autre.
Toujours nuit noire. Toujours pas de crête. Je n’en peux plus. Moralement ça va, mais physiquement c’est dur, et ce point GPS qui ne bouge pas commence à esquinter notre patience. Pourtant, la carte est formelle, une fois sur la crête, il suffira de la prendre dans un sens — ou dans l’autre si vraiment on est si paumés — pour trouver la cabane.
Nico vient de crier quelques mètres plus haut. “On est sur la crête !” On n’y croyait plus. On le rejoint rapidement. Par contre ici, le vent tabasse. On doit planter nos skis profond et rester près du sol pour ne pas se faire emporter. La visibilité est quasi-nulle. On reste toujours entre deux sapins pour assurer le coup. On fait des points GPS toutes les trois minutes, tout en longeant la ligne de crête. Effectivement, le chemin descend, on était montés bien plus haut que prévu.
« LA VOILÀ ! » Dans la nuit noire, la frontale éclaire la cabane, posée sur un replat. Quel soulagement. Heureusement que Damien l’avait placée au millimètre sur le point GPS. On en connaît des histoires de nuits à la belle étoile à quelques enjambées de quatre murs réconfortants. C’est magnifique, on crie, on exulte !
Devant la porte, une paire de bâtons est posée contre le mur. Cette cabane fait quelques mètres carrés et propose quatre petits couchages, sur des planches en bois organisées en deux lits doubles superposés. On croise les doigts pour avoir un peu de place. On toque, un randonneur endormi nous accueille ! Ouf, il ne sont que deux. On va pouvoir se serrer un peu et rentrer à l’abri du vent déguster une plâtrée de pâtes à la bolognaise des plus méritées. Au passage, on en profite pour trinquer une bonne bière et partager une gorgée dans une fiole de poire qui traînait au fond du sac. En réalité, le couchage est plutôt un lit simple superposé, et les deux amis occupent chacun un étage. On va devoir dormir par terre, mais on n’a jamais été aussi ravis de le faire.
On souffle la bougie et on se glisse dans les duvets. Le vent frappe la cabane dans un vacarme assourdissant. On ne pourra pas fermer l’œil de la nuit, sauf Damien, qui ronfle paisiblement… Demain matin, le soleil se lèvera sur une magnifique mer de nuages. Après un petit détour pour admirer le spectacle, on prendra le chemin du retour, très facile à trouver — et bien plus court — de jour. L’idée de finir de nuit, et de tenter l’ensemble à la boussole, c’était peut-être un peu trop finalement. Mais est-ce qu’on aurait autant apprécié le voyage dans sa version primaire ? En tout cas, c’était une très bonne manière de débuter l’année.
Merci à Régis de Ski Randonnée Nordique pour ses conseils sur l’itinéraire.
Ce récit a été réalisé en partenariat avec Volcom et Inspiration Vercors.
Lors de cette aventure, nous étions accompagnés de la Iguchi Slack Vest, un gilet avec capuche amovible, qui remplace un sac à dos et permet de ranger pelle et sonde, ainsi que des vestes Guch Stretch en Gore-Tex, équipés de la technologie Face Tech et d’une Goggle Pocket.
Volcom est une marque d’action sport californienne créée en 1991 et basée à Costa Mesa,
spécialisée dans les vêtements et accessoires de surf, skateboard et snowboard.
Inspiration Vercors réunit les offices de tourisme du Vercors pour promouvoir
le territoire et fédérer les acteurs du tourisme.
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