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L’Amérique du Nord. Ces quelques mots suffisent à vous donner des rêves de road-trip ? Entre le Canada et les États-Unis, les parcs nationaux, les montagnes, les lacs et les forêts infinies, il y a tant à voir ici. On s’imagine bien, sur ces routes mythiques, dans le sillage de Jack Kerouac, Jon Krakauer ou Dennis Hopper. Une envie d’ailleurs qu’a suivie Aurélien Buttin, pour trois mois d’aventure de Québec à Vancouver et d’Anchorage à New York, dont voici la première partie.
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C’est sur un coup de tête que j’ai décidé de partir au Québec. La raison ? Besoin de déconnecter, de partir à l’aventure. L’idée ? Un billet aller et pour la suite, on verra. Je jette une bouteille à la mer sur les réseaux sociaux pour trouver un hébergement à Montréal et Florian, un expat’ français, m’offre un bout de canapé.
Le soir du 13 septembre, j’atterris à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. Un Québecois m’indique le bus que je dois prendre et me vend son billet pour la moitié de son prix. Deux minutes après m’être installé, un homme me dit qu’il a rencontré une Française deux semaines plus tôt et qu’il vient ici tous les jours dans l’espoir de la recroiser. Il ne l’a pas vue aujourd’hui. Il décide alors de m’accompagner jusqu’à chez mon hôte. J’avais entendu parler de la bienveillance et de la sympathie des Québecois, me voilà conquis, en à peine 15 minutes.
Après avoir sympathisé avec Florian et bu quelques bières, je passe ma première nuit de l’autre côté de l’Atlantique. Je ne réalise toujours pas que je suis là. Le lendemain, appareil photo en main, je m’aventure dans les rues de Montréal. Je rencontre Karolina Grabowska, une photographe polonaise qui m’avait contactée avant le départ pour se joindre à moi. On s’installe dans une famille de routards qui attendent avec impatience la naissance de leur deuxième enfant pour partir en direction du Mexique à bord de leur nouveau camping car.
Pendant quelques jours, on fait la tournée des garages pour acheter une voiture. Une Toyota Corolla d’occasion sera notre carrosse pour les mois à venir. Pour fêter notre acquisition on sort dans un bar où l’on rencontre Caroline, une Française qui vient de s’installer au Canada. Elle nous propose de partir pour le parc national de Gatineau, à côté d’Ottawa. On prend la route.
Le parc de Gatineau n’a en soi rien d’exceptionnel, mais quel bonheur de s’immerger en pleine nature. Paysages, vie au grand air, lacs et baignades au petit matin, feus de camp, musique, cartes, ratons laveurs qui nous volent toute notre nourriture… Voilà notre programme pour ces quelques jours en forêt. Puis Caroline repart à Montréal, et on reprend notre périple. Direction Toronto, ville d’affaire noyée dans les gratte-ciel et les costumes trois pièces. Un choc. Je n’y reste que quelques heures, le temps d’admirer le coucher de soleil qui se reflète sur les vitres des buildings. Demain, on sera à Niagara.
En traversant la ville, je réalise que je suis dans le Las Vegas canadien. Casinos et attractions à tous les coins de rue, monstre de Frankenstein géant au dessus du Burger King… le paradis des touristes. En traversant la cohue, une fine pellicule d’eau vient se coller sur mon visage, un bourdonnement de plus en plus intense fait vibrer mes tympans. Deux cents mètres plus loin, elles sont là, se jetant de 51 mètres de haut. Bien que le déplacement vaille le coup d’oeil, on quitte Niagara Falls au plus vite pour reprendre la route vers l’Ouest.
Après deux jours de routes sans grand intérêt, on monte un bivouac dans la nuit, près d’un plan d’eau, à l’orée d’une forêt. On plante la tente, allume un feu, mange un bout et se laisse bercer par le doux remous des vagues. Au réveil, je réalise que le plan d’eau de la veille n’est autre que… le lac Supérieur. 82 350 km² de superficie ! Le contenu du lac pourrait recouvrir l’intégralité du continent américain, du Canada à l’Argentine, de 30 cm d’eau. Une mer dans les terres, entourée à perte de vue milliers de sapins, de marécages, montagnes et lacs, le tout traversé par une route sinueuse, la nôtre.
On passe plusieurs jours à arpenter l’asphalte le long de ces lacs gigantesques, jusqu’au soir où, dans un camping, le propriétaire des lieux, Erik, se joint à nous avec des bières dans une main et quelques bûches dans l’autre. On parle de tout et de rien, du Canada, de la France, de la Pologne, de notre voyage. Il me dit de ne pas aller à Winnipeg, qui était notre prochain arrêt. Pourquoi ? La ville est devenue trop dangereuse. Les natifs, qu’il appelle « boogers », y sont les rois du crime. On décide donc d’aller voir de nos propres yeux de quoi il en retourne.
Quand on passe la frontière entre l’Ontario et le Manitoba il y a comme une rupture entre deux mondes, entre une région riche, propre et prospère, et une région démunie, délabrée, sur le déclin. La route est en mauvais état, les magasins et les stations services sont abandonnés, même les paysages deviennent plats et tristes. Aux abords de Winnipeg un panneau indique, « nous recensons actuellement 467 000 crimes »… Il y a encore du boulot, côté communication !
Erik n’avait pas menti. L’atmosphère est pesante ici, le ciel est gris. Rien à voir, rien à faire. On part vers Calgary, 1300 km sur une route droite et monotone. Au bout de deux jours, on se retrouve pris dans une tempête de neige. Je ne vois plus rien sauf un rideau blanc, j’ai des pneus d’été, plusieurs voitures et camions sont déjà sur le bas côté. À la sortie d’une ville, un barrage de police nous annonce que la route est fermée jusqu’à nouvel ordre. Impossible de dormir dehors, donc le prix des motels s’envole… On reste bloqué deux jours dans une chambre sordide, à 100$ la nuit.
Le soleil réapparaît enfin, faisant fondre la neige qui laisse une fine pellicule de glace sur le goudron. Aaron, l’ami d’une amie, nous héberge trois jours à Calgary. Il nous propose une randonnée le lendemain, pour prendre l’apéro sur un sommet en regardant le soleil se coucher sur la ville et les montagnes. Nous acceptons.
L’ascension commence et le fantôme de mes cigarettes me torture. Je demande de l’eau à droite à gauche. « Tu n’as pas d’eau ? » Me demande Vladimir. Non. « Qu’est ce qu’il y a dans ton sac ? » Une bouteille de rouge. Éclats de rire. Je sert le cliché sur les Français mais tout le monde est ravi d’avoir son verre au sommet. Sur le retour, un cerf au milieu de la route nous fait piler net. Pour se remettre de nos émotions, Aaron propose de s’installer dans son jacuzzi entouré de neige, au milieu du jardin. Ce que nous ferons tous les soirs pendant trois prochains jours.
On reprend la route direction Banff. Après s’être perdus quelques heures dans les bois près de Fairmont Banff Springs, on part vers le lac Louise. Le trajet dans les bus scolaires jaunes est obligatoire, mais plutôt drôle au final. À l’arrivée, une spirale infernale de touristes des quatre coins du monde tourne autour du lac. Quelques barques flottent sur ses eaux turquoises. L’endroit reste paisible. -5°C, feu, grillades, tente.
Le lendemain matin, on part au lac Moraine. Le vent est glacial. Les rangers du parc nous déconseillent de nous rendre à Jasper comme nous l’avions prévu. « Winter is coming. » Avec notre voiture et nos pneus, nous n’y arriverons jamais. On reste quelques nuits de plus dans la montagne avant notre prochaine destination, Vancouver.
Au bord du Pacifique, Vancouver est une grande ville composée de plusieurs presqu’îles reliées entre elles par d’immenses ponts d’acier. La mégalopole est typiquement nord-américaine mais n’a pas vraiment d’identité visuelle, c’est pour cela que beaucoup de films hollywoodiens y sont tournés. On trouve une place dans un espèce de squat occupé par des étudiants du monde entier. Après une soirée mémorable, ils me proposent de les suivre faire de la slack line en bord de mer. Vendu. Les deux jours suivants sont consacrés au repos avant de reprendre la route. Puis il faudra passer la frontière pour les États-Unis.
Je n’ai ni visa, ni billet d’avion retour. Je me demande comment va se passer mon entretien avec la douane américaine. Après une fouille complète de la voiture avec chiens renifleurs, tout est ok, j’ai mon tampon et j’entre dans l’État de Washington. L’endroit est sombre, noyé dans des forêts de sapins et la brume. Le décor est lugubre, mais hypnotique. On se croirait dans un film de Stephen King.
À suivre…
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