Bivouaquer quand il fait beau, c’est facile. Un ciel étoilé, une tente, un duvet… On se serre autour d’un feu et le tour est joué. Mais en plein hiver, dans la neige, par -5°C, c’est une toute autre histoire. On se retrouve rapidement dépendants des refuges et de leurs poêles à bois…
Après avoir passé l’été dehors avec notre petit guide pour monter le bivouac parfait et notre dossier sur la réglementation du camping sauvage en France, ce n’est pas le froid et la neige qui allaient nous empêcher de dormir en pleine nature ! La solution ? L’igloo, ou « dôme en brique de glace », traditionnellement utilisé par les Inuits quand ils partent chasser. Et question froid, on peut leur faire confiance. Ce petit abri permet de maintenir la chaleur jusqu’à 16°C, même quand les températures extérieures descendent à… -45°C !
Grâce aux conseils de Stanislas Poyet, un de nos lecteurs, on vous donne les 5 étapes à suivre pour construire l’abri de glace parfait.
Quelques conseils avant de commencer. Tout d’abord, sachez que la construction d’un igloo est bien plus facile avec de la poudreuse d’hiver : au printemps, et à moins de se trouver à très haute altitude (plus de 3500 mètres), la neige devient granuleuse, rendant chaque bloc bien plus lourd. D’autre part, la neige granuleuse ne contenant que très peu d’air, elle apportera une moindre protection thermique.
Souvenez-vous aussi que monter un igloo peut être long. Comptez au moins deux heures pour les plus chevronnés et plus du double s’il s’agit de votre première tentative. Mieux vaut donc commencer en début d’après-midi car une fois la nuit tombée, l’expérience sera plus compliquée.
Pour construire un igloo dans de bonnes conditions, un peu de matériel s’avère nécessaire. Dans l’idéal :
Note : si l’igloo peut sembler rudimentaire, c’est une véritable architecture, avec des règles et principes physiques précis. D’ailleurs, mieux vaut être accompagné d’une personne expérimentée pour votre tout premier essai, par sécurité.
Pour choisir son emplacement, il faut garder une idée en tête : moins les murs seront hauts, plus l’igloo sera costaud (et facile à construire !)
Le terrain élu doit être suffisamment enneigé. Comptez au moins 70 cm de profondeur : plus on creuse, moins on construit ! Ensuite, un terrain légèrement en pente permettra de construire un côté moins haut que l’autre (souvenez-vous de la règle de base).
Il faut maintenant tracer les contours de l’abri. On peut se fabriquer un compas géant avec un bâton de ski ou de marche au centre de la surface, relié à un autre bâton à l’aide d’une cordelette. Un cercle d’un rayon d’1,30m sera suffisant pour 3 personnes. Piétinez bien la neige à l’endroit choisi avant de monter les murs, l’ensemble n’en sera que plus stable.
Astuce : inutile de dépasser 3m de diamètre, on construit un igloo, pas la tour de Babel !
À l’aide d’une scie, on découpe des morceaux de glace à l’intérieur de la surface choisie. On gagne ainsi en profondeur et en temps. Pour la taille des blocs, comptez 30cm de long, 15cm de haut et 15cm d’épaisseur (plus les blocs seront épais, mieux ils isoleront, mais plus ils seront difficiles à manipuler).
Astuce : pour profiter du phénomène de fusion et de gel engendré par la pression, assurer la solidité des blocs et leur donner la forme souhaitée, procédez à des mouvements de découpe les plus franches et rapides possible !
C’est le moment de tailler nos briques. Afin de permettre l’auto-portance de la structure, les blocs doivent prendre la forme d’un trapèze (pour ceux qui auraient séché les cours de Géométrie, un trapèze est « un parallélogramme dont deux des cotés convergent »). Ils pourront ainsi s’emboîter les uns à côtés des autres en formant un cercle.
Dans l’idéal, vous devez avoir des blocs biseautés sur le dessus, de l’extérieur vers l’intérieur. Cette légère pente permettra d’incliner la structure au fur et à mesure, et aux blocs de se soutenir les uns les autres. Le principe de la clé de voûte, vous connaissez ?
Nous commençons à empiler les blocs en quinconce, sans superposer les arrêtes. Ici encore, tout est une question de physique : si les joints sont alignés, chaque brique ne supporte que celle posée directement dessus et l’ensemble de la structure n’en est que plus fragile. En décalant les joints, chaque bloc supporte deux briques, et si une fissure apparait elle sera vite stoppée.
Pour ériger les murs, la technique la plus facile est celle du colimaçon : il vous suffit de tailler les blocs en rampe et de monter petit à petit. D’ailleurs, n’hésitez pas à réajuster avec précision le biseautage, au fur et à mesure de la construction. Au risque de se répéter, les blocs doivent parfaitement s’emboîter !
Veiller à bien incliner les murs selon un angle constant, pour qu’ils puissent se refermer et former le dôme (opération facilitée par le biseautage recommandé plus haut). Un bâton ou tout autre objet peut alors s’avérer utile pour veiller à conserver une distance constante entre le sol et le mur, et égale au rayon choisi pour la surface de départ (1m30, dans notre cas).
Lorsque les murs commencent à être suffisamment hauts, le moins claustrophobe de la bande se dévoue pour rester à l’intérieur de la structure jusqu’à la fin : son rôle est de maintenir les blocs.
Brique après brique, l’igloo se forme et se referme. Il ne manque plus que le toit : un bloc de petite taille, tout spécialement taillé pour boucher l’ensemble (la fameuse clef de voute).
Avant dernière étape pour construire un igloo ! Il faut maintenant percer une entrée, ne serait-ce que pour libérer notre camarade emmuré. À lui de creuser sous la structure pour libérer un passage. Si besoin, il peut déchausser un bloc de la base, en prenant bien soin de ne pas laisser d’arrête au-dessus de la porte. Le passage est ouvert, il peut sortir, et nous rentrer !
Pour éviter que le vent ne s’engouffre dans l’igloo, on construit un petit tunnel au-dessus de la rampe qui mène à l’entrée.
Attention : il est très important de percer des trous d’aération pour éviter l’intoxication au CO2 durant la nuit. Rien de bien compliqué, il suffit de creuser quelques jointures.
À l’aide d’un couteau à neige (légèrement arrondi) ou de vos mains, lissez la surface des murs autant que possible. L’eau libérée par la condensation s’écoulera plus facilement sur une surface sans aspérité et ne provoquera pas de ruissellement désagréable.
Si le terrain le permet, creusez une fosse à froid au niveau de l’entrée. Cette zone plus basse que le niveau où vous dormirez attirera l’air froid, tandis que l’air chaud, plus léger, montera vers vous. Une bâche sur le sol vous permettra d’être isolés (tout corps en contact avec une zone froide perd de sa chaleur). Si vous n’en avez pas, un tapis de feuilles fera déjà l’affaire.
À l’occasion d’un week-end en ski de rando dans le Vercors, nous avions rencontré un groupe de randonneurs en pleine construction d’un abri pour la nuit. Leur technique : entasser leurs sacs à doc, couvrir le tout de neige, puis retirer les sacs et créer de l’espace en creusant en profondeur. Ils s’étaient même fabriqué une petite terrasse avec banc et table pour passer la soirée !
Cette technique se rapproche davantage de celle du quinzhee, un abri de neige d’origine amérindienne qui ressemble à un igloo mais est fabriqué à partir d’un amoncellement de neige durcie et évidé par la suite.
Là aussi, choisissez un terrain plat et dégagé. Tassez le sol en piétinant et créez un dôme suffisamment élevé (au moins 1m20). Attendez ensuite quelques heures pour que la neige est le temps de se solidifier. Excavez enfin l’intérieur, tout en gardant des murs suffisamment épais. Pendant la nuit, la chaleur des corps fera fondre les parois. Vous ne voudriez pas vous réveiller sans toit ! Des petits bâtons de tailles identiques et préalablement plantés de l’extérieur vers l’intérieur peuvent servir de témoin pour obtenir une structure uniforme.
Dans ce genre de terrier, l’oxygène peut venir à manquer. Veillez à ce que l’entrée reste constamment dégagée, surtout en cas de chute de neige. Une petite bougie allumée dans une cavité peut aussi servir de témoin et réchauffer l’atmosphère…
Bonne nuit !
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