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Quand la création cinématographique s’invite au coeur de la jungle papouasienne.
En 2014, le jeune vidéaste-photographe Martin Gros intègre l’équipe de tournage de Guillaume Dulude pour la préparation de son premier long métrage « Tribe » : une fiction interrogeant l’universalité de la communication entre les êtres humains. Un plongeon vertigineux au cœur d’une forêt primaire du bord de l’Océan Pacifique, à la rencontre des Korowai, l’un des derniers peuples millénaires de la planète. Nous lui avons posé 3 questions sur cette aventure.
Comment s’est passée cette rencontre avec les Korowai et qu’as-tu appris d’eux ?
Après plusieurs jours de voyage, lâché depuis un hélicoptère en pleine Papouasie, je me suis dit : ça y est, nous y sommes ! Nous avons été accueilli par Oni, le chef, et son clan avec bienveillance, sourire aux lèvres. Notre intégration, facilitée par les précédents voyages du réalisateur, s’est confirmée grâce à une alliance de complicité et de curiosité et au partage des activités quotidiennes, allant du travail au loisir.
Ces hommes et ces femmes vivent suspendus à la canopée, dans des cabanes précaires qui tanguent comme des petites barques sous l’emprise du vent. De là-haut, nous jouissions d’une vue imprenable sur la forêt dense et marécageuse. Susceptible de paraître hostile aux profanes, elle est protectrice et nourricière pour ceux dont la chasse et la cueillette assurent la survie. Ce peuple guerrier pratiquant la sorcellerie, vit en quasi-autarcie avec la volonté de préserver ses traditions. Malgré tout, les rites ancestraux tendent à disparaître, les jeunes générations se tournent vers un monde plus moderne. Certains vont régulièrement travailler à la ville, d’autres portent des piercings et des vêtements à l’occidentale ou possèdent un téléphone portable branché sur une pile pour écouter de la musique.
Quelle était ta mission avec l’équipe ?
Le but était d’étudier les faisabilités pour le futur tournage, le matériel dont nous allions avoir besoin ou encore les difficultés techniques qui pourraient se présenter. Questions difficultés techniques, nous avons été servis. Le climat extrême, partagé entre chaleur et humidité, a provoqué des soucis de condensation dans certaines lentilles d’objectifs. Nous n’avions ni électricité ni groupe électrogène pour recharger les appareils et stocker les données, ce qui limitait considérablement les prises de vue.
Être perché à 20 mètres de hauteur dans les cabanes relevait d’un exercice de funambule et de combat permanent face au vertige. Un vertige contre lequel je luttais, m’appuyant sur des techniques d’escalade apprises en amont. J’avoue avoir fait abstraction de ce handicap auprès du réalisateur, de peur de me voir refuser une si belle opportunité. Ces aléas nous ont obligé à nous fier à notre instinct.
Pendant mon temps libre, j’ai pu composer une série photographique plus personnelle sur le mode de vie traditionnel des Korowai. J’espère y retourner un jour afin de me pencher sur les mutations que cette tribu opère, vers la modernité.
Tes photographies reflètent ton émerveillement face aux Korowai et à leur mode de vie. Que retiens-tu de cette expérience ?
Le sentiment qui persiste le plus est celui du privilège. Ce voyage humain et généreux m’a conforté dans une profonde humilité. Avec les problèmes et les enjeux auxquels le monde est actuellement confronté, je crois sincèrement que nous avons une foule d’enseignements à tirer de ces tribus millénaires, dans la façon dont ils travaillent et vivent en groupe ou encore gèrent leurs ressources et leur environnement. J’ai réalisé à quel point nous étions déconnectés de notre nature mais aussi les uns et des autres.
Photos © Martin Gros
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