Entre New Delhi et Bruxelles, trois amis vont traverser 25 pays et parcourir 20 000 kilomètres sur la route de la soie. Voici leur journal de bord de cette aventure, mis à jour régulièrement.
Depuis plusieurs mois, Donald, Thibault et Léopold préparent leur voyage en motos sur la route de la soie. Entre New Delhi et Bruxelles, ils vont traverser 25 pays et parcourir 20 000 kms sur cette route mythique, à la rencontre des peuples et des cultures. Entre portraits vidéos de personnalités qu’ils rencontrent, photos et récit de leur périple, on vous propose de suivre toute cette aventure, baptisée The Royal Silk Road, au fur et à mesure de ce voyage. Un petit trailer avant d’embarquer.
Cela fait maintenant trois jours que Thibault et moi mourrons de chaud dans le quartier bruyant et animé de Karhol Bagh, au beau milieu de New-Delhi. De délicieux jus de mangue frais nous désaltèrent alors que nous observons Akram, le mécanicien de chez Joga Motors, monter et démonter les moteurs de nos motos.
Nous nous comprenons à force de gestes et de sons, apprenant petit-à-petit les rudiments de la mécanique dans un mélange de graisse, d’huile et de poussière. Nos T-shirts nous collent à la peau et nous supportons difficilement les 49°C qu’indique le thermomètre indien.
Leopold nous rejoint dans 4 jours pour le grand départ. Le temps nous est compté et nous devons apprendre un maximum. Nous passons donc ici la majorité de notre temps, sur le pas de l’arrière boutique, dans une petite ruelle étroite et étrangement calme, nettoyants nos plaquettes de freins à même le sol.
Alors que le soleil s’estompe progressivement dans le nuage de pollution ambiante, Thibault et moi prenons congé des mécaniciens du garage et rentrons avec nos motos à l’auberge.
Demain, nous partons apprendre à rouler sur les routes sinueuses de l’Himachal Pradesh. Nous n’avons aucune expérience à moto et il nous faut progresser avant d’entamer les 20 000 kilomètres de notre périple centre-asiatique !
La mécanique est un sport plus fatiguant qu’il n’y paraît, et nous nous écroulons rapidement dans nos lits de fortune.
À 4h30, le réveil sonne. Nous nous réveillons difficilement. Une courte douche fraiche, un café bien serré et nous sommes partis. Nous prenons peu avec nous. Le but est d’avancer rapidement. Quelques coups de kick-starter épuisant avant d’entendre le moteur de nos motos vrombir, et nous sommes partis…
Nous roulons sur la AH1 en direction de Manali. Le vent frais du petit matin souffle sur nos visages et efface les dernières traces de fatigue. Nous profitons du répit de la nuit pour enfiler des kilomètres. De jour, la circulation est dense et le climat étouffant. Nous préférons l’éviter un maximum avant d’atteindre les montagnes plus fraiches du nord. Nous faisons de courtes pauses pour récupérer du sommeil. Nous n’avons que trois jours pour faire l’aller retour, Il faut donc être efficace. L’appareil photo reste en permanence en bandoulière. On ne coupe pas le moteur pour un cliché…
Alors que nous nous enfonçons dans le Punjab Indien et puis dans le Himashal Pradesh, les étendues de rizières brumeuses et humides font place a des paysages montagneux plus accidentés. La route commence à monter en lacet et se détériore rapidement, l’air devient plus frais. Nous traversons quelques villages pittoresques avant de faire un bout de chemin en compagnie de Karaganavand, motard indien en voyage solo autour de l’Inde.
À peine séparés, nous nous arrêtons au bord de la route, curieux des quelques personnes qui y ont l’air d’y récolter une sorte de mauvaise herbe. Apres quelques échanges dans un dialecte de gestes et de mots indescriptibles, nous comprenons que ces personnes frottent avec leurs mains une sorte de mauvaise herbe locale avant de l’effriter une fois agglutinée sur leurs paumes et puis de la fumer. Curieux, nous partageons le calumet de la paix avec eux et reprenons notre route, euphoriques. Nous venons de gouter le fameux hashish de Malana, connu pour être le plus pur au monde.
Les paysages magnifiques et accidentés s’enchaînent. Nous roulons au bord de précipices et il est difficile de faire la part des choses entre regarder le paysage, prendre des photos ou se concentrer sur la route. Nous faisons probablement un peu des trois a la fois, imprudents sous l’effet de l’herbe magique mais nous devons nous ressaisir car il va bientôt être temps de trouver un endroit pour notre campement. Un chemin secondaire accidenté et sinueux à l’air de monter ver le haut de la montagne. Il a l’air difficile et nos motos ne sont pas les seules à manquer d’expérience… Mais on ne vit qu’une fois ! Le soleil descends vite et nous ne pouvons tergiverser. Thibault passe en premier. Ca à l’air de passer. Je me lance aussi. Nous voila partis pour 30 min de motocross intense sur une route en lacet extrêmement serré, rocailleuse et de plus en pentue. Impossible de faire demi tour et nous devons aller jusqu’au bout. Nous tombons plusieurs fois, mais au ralenti heureusement et il n’y a pas de casse.
Fatigués, mais le soufflé court d’excitation, nous atteignons finalement le haut de la montagne et trouvons un bon endroit pour planter notre tente. La vue est superbe. Nous surplombons toute la vallée et les derniers rayons du soleil découpent le paysage dans un halo doré presque irréel. Des locaux viennent nous voir, toute une famille. Tous fument du hashish qui pousse partout dans la vallée. Surpris et curieux de nous voir en cet endroit reculé, nous discutons ensemble pendants quelques instants. Il acceptent que nous plantions notre tente dans leur jardin et proposent de nous apporter de la nourriture car il n’est plus pensable de reprendre cette route alors qu’il fait presque noir. Il veulent également nous inviter pour le thé mais nous devons monter notre campement. Nous refusons donc gentiment mais les invitons, eux, à repasser une fois installés.
Nous ne les reverrons plus… Ont-ils compris ce que nous leur disions ? Nous profitons du moment mais nous sommes exténués. Il ne faut pas sous-estimer la route. Nous l’apprenons à nos dépends… et ce ne sera probablement pas la dernière fois ! Nous nous écroulons sur nos matelas gonflables, après avoir vidé les cartes mémoires et mis les batteries à charger.
Le sourire tarde à disparaitre de nos lèvres. Les émotions de la journée nous restent en tête et nous pensons déjà au lendemain . Après un dernier sourire complice, nous nous endormons finalement… Pas de nouvelles de Karavagang, qui hésitait à nous rejoindre. Il a du suivre sa route, continuant de se trouver au fur et à mesure de ses pérégrinations…
Donald
Nous sommes maintenant en route depuis plus de 10 heures. Il est tard dans la nuit et mes yeux tombent de fatigue. Donald et Leopold roulent derrière moi en file indienne. Le phare de ma moto éclaire la route, juste assez pour anticiper les tournants des montagnes pakistanaises de la Karakoram.
Nous sommes pressés. Pressés par le temps. Le guide ne nous attendra plus longtemps à la frontière chinoise. S’il part sans nous, la route de la Chine nous sera interdite et nous ne pourrons rejoindre les vastes plaines et montagnes abruptes de l’ancienne URSS. Il nous faudra alors passer par le sud du pays et la dangereuse frontière Iranienne, ce que nous désirons éviter.
Malheureusement, nos motos souffrent du poids qu’elles doivent supporter et je ne vois plus Donald dans l’unique rétroviseur qu’il me reste ! Je m’arrête et l’attends avec Leopold : c’est la règle que nous avions fixée. Ne voyant plus le halo de lumière de son phare poindre dans l’obscurité de la nuit, nous décidons par conséquent de faire demi-tour.
La moto s’est arrêtée dans un des nombreux trous qui jonchent la route. Donald semble être épuisé.
Nous mettons pied à terre et tentons de faire redémarrer la moto récalcitrante. Cette dernière nous fait clairement comprendre qu’elle a suffisamment roulé pour la journée ! Il est temps de penser à dormir. Il fait terriblement noir. À droite, se dessine un ravin de plus de 30 mètres, à gauche la pente abrupte de la falaise… Heureusement, Leopold a aperçu des tentes un peu plus loin sur le bord de la route.
Nous décidons d’investir les lieux, après avoir cherché en vain un propriétaire. En rangeant les motos sur le bas-côté, nous découvrons une vingtaine de ruches d’abeilles autour d’une des tentes… il s’agit en effet de l’abri diurne d’un apiculteur pakistanais. Il n’y a plus qu’à espérer que le lendemain matin à son arrivée, il ne s’offusquera pas de notre invasion !
Nos paupières sont lourdes et nous n’avons pas grand chose à nous mettre sous la dent. C’est donc le ventre vide que nous nous endormons, bercés par le bruit des voitures qui déboulent à toute vitesse sur la route, n’ayant aucun scrupule à faire crisser leurs suspensions sur les nombreux trous!
Demain sera un autre jour…
Thibault
Le froid envahit mes pensées. Nous roulons dans les hauts plateaux du Xinjiang à contrevent. L’air glacial me fouette le visage et pénètre dans tous les interstices de mes vêtements.
Mais nous avons passé la frontière chinoise ! Quel spectacle ! À près de 5000 mètres d’altitude, c’est le poste douanier le plus haut du monde. L’air y fait défaut et nous nous amusons à comparer nos lèvres toutes bleues.
Toutefois, l’ambiance se refroidit encore, car l’altitude a mis à mal l’un d’entre nous qui souffre du manque d’oxygène : il est pris de vertiges. En plus, le douanier nous dit que 120km nous séparent de la prochaine ville dans laquelle nous devrons récupérer nos passeports. Pas le choix, il nous faut aller là où sont nos passeports.
Nous prenons notre courage à deux mains et enfourchons nos motos… Le paysage est magnifique et je n’ai qu’une envie, c’est de m’arrêter pour photographier les panoramas. Cependant, le militaire qui a pour mission de nous escorter, blotti bien au chaud dans son camion, nous houspille et nous ordonne de ne pas nous arrêter: menaces, menaces ….
Nous sommes dans le No Man’s Land, impossible de profiter des beautés que nous offrent ces espaces montagneux. De toute façon, le froid qui règne en maître ne nous le permettrait pas…
Nous sommes enfin arrivés à Tashurkan ! Le guide nous retrouve au bureau des douanes, mais seulement après 4 heures d’attente passées à affronter des températures à peine soutenables. Les passeports récupérés, il ne nous reste plus qu’à nous faire désinfecter et nous pouvons nous rendre à l’hôtel réservé par le guide.
Le lendemain, le départ se fera à l’aube, pour rejoindre Kashgar, capitale de la région et l’une des plus anciennes villes du monde ! Nous savons que la piste sera dure, car la Karakoram est en travaux sur plus de 60 km ! Mais pour ce soir nous profitons de la beauté de Tashurkan, des montagnes environnantes et de la richesse de la cuisine locale !
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